Haaa ! Humbug ! L’album qui changea à jamais le son et l’image d’un des groupes les plus populaires de la scène rock british : ils viennent de Sheffield, ont sorti leur (remarquable) premier album avec un visage encore ravagé par l’acné juvénile, détestent s’afficher dans les médias et portent un nom absurde ; je parle des Arctic Monkeys.

Avant 2009, les cinq musiciens avaient sorti deux albums : le fameux Whatever People Say I Am, That's What I'm Not (très jeune et nerveux, bourré de riffs efficaces, de rythmiques hallucinantes, d’une palette de morceaux uniques et géniaux) et le deuxième très bon album, Favourite Worst Nightmares, qui faisait évoluer leurs compositions vers des structures légèrement plus recherchées. Les deux avaient la caractéristique de contenir (globalement) des chansons assez fraîches et légères où le phrasé rapide d’Alex Turner concurrençait les rythmiques alambiquées de Matt Helders. Mais tout ça, c’était avant Humbug.

Cessons donc ce ton hollywoodien pour nous concentrer sur ce disque. Il est manifestement plus posé, plus lourd, avec un son fortement inspiré par le stoner. Pas de doute sur la marchandise, la prod' est cosignée par JOSH HOMME, leader des QUEENS OF THE STONE AGE. On retrouve donc la patte d’Alex Turner, son timbre de voix, ce son de guitare british, mais dans une autre dimension que dans les premiers albums. Alors, effectivement, à la première écoute, Humbug surprend. Le premier morceau « My Propeller » annonce la couleur : un riff grave, une ambiance sombre, une mélodie mystérieuse, une basse omniprésente, un tempo lent. Et les morceaux s’enchaînent avec ces mêmes ingrédients… Dieu que ça fonctionne !

Vous l’aurez remarqué, je suis un « aficionado » des deux premiers albums, que j’ai écoutés des centaines de fois sans me lasser. J’aurais vraiment voulu pouvoir casser ce Humbug, faire mon vieux con et renier l’évolution. Mais ce disque est presque parfait (je ne reviendrai pas sur quelques morceaux qui viennent casser l’alchimie qui aurait pu régner du début à la fin). Humbug est un album de transition, et c’est concrètement ce qui me fascine tant. On y retrouve les caractéristiques essentielles du groupe, à savoir des mélodies fraîches au timbre unique posées sur des riffs simplistes soutenues par une batterie redoutable, capable de provoquer des cassures originales dans n’importe quelle composition (« Pretty Visitors », dans cette optique, me fascine particulièrement). Mais ces caractéristiques sont diluées dans un nouveau registre, qui apporte une complexité bienvenue grâce à des structures et des arrangements légèrement plus progressifs. Le parfait équilibre entre la légèreté et la complexité rend cet album si appréciable.

En 2009, Arctic Monkeys prouvent qu’ils ne sont pas qu’un effet de mode et qu’ils doivent leur succès à leur talent. Leur omniprésence dans la scène rock, et ce, malgré une absence médiatique presque totale, témoigne également que ces cinq anglais n’ont pas volé leur célébrité. En faisant évoluer leur écriture vers des compositions plus matures, ils prennent le risque de perdre une partie de leur public et confirment leur talent de musiciens. De « My Propeller » au sublime « The Jeweller’s Hand », on est constamment soumis à des mélodies pop sur fond de garage sombre. On en conviendra, certains morceaux sont dispensables, moins marquants et parfois un peu trop artificiels. Mais le reste vaut le coup et mérite l’écoute du disque.

* La chanson la plus représentative : My Propeller
* Mon coup de cœur : Pretty Visitors
* Mon coup de gueule : Cornerstone