« Bonne année quand même » fait partie de ces quelques albums qu’on est content d’avoir découvert. Des disques qui ne payent pas de mine, qu’on ne trouve pas à la FNAC, qu’on a remarqué par hasard mais qu’on aime franchement bien. Car si Cédric Gervy est un habitué des concerts belges, il reste un artiste peu reconnu à sa juste valeur. Sur scène, il débarque tout en modestie, guitare acoustique à la main, paroles somptueuses à la bouche, sourire et bonhomie naturels.

La grande force de ce professeur de néerlandais belge ce sont ses paroles, parfois drôles parfois touchantes, mais souvent réalistes et efficaces. Qu’il évoque des sujets graves comme l’actualité, la famille, la superficialité ou encore le mode de consommation, ou des sujets plus légers comme le football, la technologie ou la célébrité, ils seront toujours exprimés avec un mélange de mélancolie et d’humour unique. A la manière d’un BRASSENS ou d’un RENAUD, il a sa plume, qu’il trempe dans le réalisme froid du XXIème siècle. A la fois poète, provocateur, patriote, humoriste et simple commentateur du monde, Cédric Gervy est une personnalité à part avec un style à part : son écriture n’a rien de prétentieuse, elle est simple et accessible, drôle et mordante, pleine de jeux de langue modernes et cyniques.

La question se pose de savoir si la musique tient la route ou pas. Affirmons tout de suite que l’intérêt principal du disque reste les paroles, parfaitement interprétées par le « chanteur » (qui chante parfois un peu faux, mais on s’en fout). Néanmoins, les mélodies et harmonies sont loin d’être inutiles ou bâclées et on a même affaire à de très bonnes surprises musicales : les arpèges agréables de « Bonne année quand même », le clavier de « Georges est content », le refrain efficace et prenant de « Aux caisses des supermarchés » ou encore le très touchant « Michael Jackson est mort ». Cet album se distingue également du reste de la discographie de Cédric Gervy par la présence (très bienvenue) d’arrangements plus raffinés que dans ses premiers albums sobrement enregistrés avec un micro et une guitare acoustique.

En cette année de folie « stromaeienne », pas de raison de ne pas se pencher sur d’autres artistes belges sachant manier la langue française si élégamment. « L’homme avec un grand H, ne mérite plus sa majuscule/ Il régresse tellement vite, qu’il fait les douze travaux d’recul » chante-t-il dans « Le Jour du Chien ». Cédric Gervy mérite bien ses majuscules.

(Reste que l’album est – pour le moment – introuvable sur le marché, mais de nombreux extraits garnissent le web. Le site web cerdricgervy.be reste l’unique manière de commander le disque, et d’en savoir un peu plus sur cet artiste qui vaut le détour. J’insiste également sur le fait que je n’ai pas eu l’occasion d’écouter les morceaux bonus de la version « de luxe », si ce n’est certains en concert.)

Note réelle : 4,5/5

* Mon coup de cœur : La moitié d’un père
* Mon coup de gueule : Mademoiselle mange avec ses collègues