En Pays d'Oc aussi, on est féru de musique celtique. On le savait déjà, c'est vrai, notamment grâce à The Booze, qui en quelques albums est parvenu à se forger une belle place dans le cœur des amateurs de punk-rock celtique emballant. KELTAS ne joue pas tout à fait dans la même cour : le groupe, originaire de Limoges (quelle splendide ville) œuvre depuis 10 ans à la restauration et à la promotion d'un patrimoine celtique ancré dans le traditionnel. Entre l'Irlandais et l'O'Brien Tavern (les limougeauds reconnaîtront...), le groupe a peu à peu gagné en galons, pour accoucher finalement fin 2013 d'un quatrième album varié et entraînant, délicat et sautillant.

L'amour de KELTAS pour la tradition musical irlandaise ne fait aucun doute à l'écoute de 14 titres de l'album. Entre interprétation de jigs, de valses, de scottishes ou de reel, le groupe parvient à varier ses choix pour offrir une tracklist bariolée et regorgeant de titres tantôt énergiques, tantôt plus calmes et réflexifs. Cette grande variété, les KELTAS parviennent à l'obtenir grâce à un éventail important d'instruments traditionnels (violon, mandoline, bodhran) ou plus surprenants (harmonica) et au chant, tantôt isolé, tantôt combiné, de ses deux vocalistes de grand talent. Therese Mager fait virevolter sa voix céleste et claire comme de l'eau de roche avec aisance et conviction, et l'on prend plaisir à l'entendre sur « Molly Malone », ballade certes très connue, mais interprétée ici avec justesse et beauté, ou encore sur la complainte « Paddy's Lament », dont l'introduction a cappella colle de véritables frissons. Si elle se fait plus rare, la voix de Benjamin Tard intervient toujours à propos : sur « Shruttish de St-Gervais », qu'il a lui-même composé, il offre de sympathiques vocalises avant de laisser un large espace d'expression à un violon envoûtant et captivant. Sur « Place d'Armes », il rend cette fois hommage au patrimoine musical de Corrèze, et propose des lignes mélodiques qui ne sont pas sans rappeler le timbre et le style de Gabriel Yacoub de Malicorne. Un choix audacieux, qui se révèle tout bonnement excellent.

Si les influences sont résolument celtiques, et évoquent le plus souvent l'Irlande, elles n'en oublient pas pour autant ces Celtes du Sud que sont les Galiciens. « Mata o Porco Pepa », traditionnel né dans cette région de l'Espagne d'où est originaire Carlos Nunez, se fait sautillant et porteur de mélodies persistantes. Porté par une production aux petits oignons, l'album dans son ensemble parvient à se faire captivant et inspiré. Outre les titres précités, il est de bon ton de mentionner ces « Reels à pépé », véritables invitation à une danse endiablée, ou encore la mazurka « Ellyn » qui clôture l'album, mettant sur un pied d'égalité guitare acoustique, violon et flûte dans une harmonie délectable.

Il manque peut-être à Keltas l'audace de s'établir un peu plus avec son propre répertoire. Car, en atteste notamment le « Shruttish de St-Gervais », le groupe bouillonne de talents et d'inspirations qui ne demandent qu'à éclore et se révéler au grand jour. Après 10 ans d'existence, le groupe parvient néanmoins à nous faire plaisir, tout en se faisant également, c'est une évidence, plaisir à lui-même. Une sortie certes pas indispensable mais néanmoins fort sympathique pour les amateurs de musique celtique traditionnel, mais pas conservatrice ! Un panachage des genres très intéressant.

3,5/5