Séan McCANN est un survivant. Une crise cardiaque fin 2012 et c'est la vie qui s'arrête, ou presque. Pour le chanteur canadien, la chance est du bon côté, la rémission quasi-totale, et la vie finit par l'emporter. Trois ans après son dernier album solo, et après avoir quitté GREAT BIG SEA par la petite porte après 20 ans de bons et loyaux services, Séan décide de coucher sur papier cet épisode douloureux de sa vie, et la profonde remise en question qu'il a provoqué. Pas de pathos, pas d'auto-flagellation. Help Yourself est un album avant tout autobiographique, franc et honnête, qui permet à l'artiste d'expurger des sentiments profondément enfouis, une étape semble-t-il nécessaire pour pouvoir relever dignement la tête et s'embarquer dans de nouvelles aventures musicales.

Est-ce pour cela que Help Yourself est si différent des deux précédents opus du bonhomme ? La base reste folk, c'est une évidence, mais jamais auparavant Séan McCann n'avait autant distillé d'influences rock, pop, voire gospels (ces choeurs envahissants !) dans ces compositions. Le thème abordé, résolument important, semble nécessiter des habillages plus fournis que les précédents morceaux de l'artiste. Si les instruments traditionnels restent de la partie (bodhràn et accordéon, essentiellement), ils se font bien plus discrets, au profit d'une guitare électrique inédite, qui met fin à la tradition acoustique des opus précédents. Celle-ci sait se faire rock et énergique, comme c'est le cas sur le morceau-titre "Help Yourself", mais aussi plus lancinante, sombre et inquiétante sur "Stone Cold Heart". Une ambiance fort à propos, puisque ce titre décrit l'événement de la crise cardiaque, narré par Séan à la troisième personne, comme pour se détacher de cet épisode encore (forcément) très douloureux.

Chose inédite, un piano intervient également à plusieurs reprises, et se marie avec bonheur avec un accordéon sur la tendre ballade "Hold me Mother", aux intonations folk et maritimes, cette fois dans la droite lignée de l'album Son of a Sailor. Bariolé, cet album l'est très certainement, à l'image des sentiments qui ont du envahir Séan durant ces deux dernières années. L'enjoué "Red Wine and Whiskey" qui cache derrière une bonhomie de façade le terrible aveux d'années d'abus alcooliques, responsables probablement de la faiblesse aortique du chanteur, témoigne d'un travail approfondi sur les refrains, qui offrent un nombre important de mélodies à retenir et auxquelles se raccrocher. C'est le cas également de l'introductif "Fire", aux choeurs imposants et à la montée en intensité bluffante, ou encore de la ballade "One More One And Only", délicate dans sa solennité et sa beauté pure.

La progression textuelle, de l'inconscience mortifère, de la prise de conscience difficile jusqu'à la rémission complète, se fait fantastique de justesse dans son interprétation. Le timbre de la voix légèrement éraillée de Séan se fait de plus en plus clair et puissant au fil de l'album, et sur "Stronger", aux intonations rock alternatif, le chanteur se fait tout bonnement magistral, en pleine possession de ses moyens. En prenant son monde par surprise, et en délaissant quasi-totalement les ballades folk qui avaient fait la grande réussite de ses deux premiers albums, Séan McCANN s'offre un coup de jeune à la fois nécessaire et bienvenu. Résolument habité par une oeuvre courte par la durée mais suffisamment complexe et profonde pour happer l'auditeur pendant des heures, l'artiste canadien revient avec un album touchant et surprenant, qui s'inscrit de manière étonnante parfaitement dans le reste de sa discographie. Au final, un mal pour un bien !