Neuf ans après avoir été jugé par Sinclair (ha ha) et Philippe Manoeuvre (re-ha ha) lors d'une célèbre émission de télé-crochet, Gaël FAURE prend des allures de survivant. Nombreux sont ceux qui, ne rentrant pas dans le moule formaté de la variétoche télévisuelle, ont vu leur talent ridiculisé par une incapacité honteuse à reprendre du Michel SARDOU ou du RED HOT CHILI PEPPERS. Tête bien faite et bien pleine, la chance de Gaël FAURE est d'être parvenu à prendre du recul, à ne pas vivre son élimination salvatrice comme un coup d'arrêt, mais plutôt comme un début.

De même, le jeune artiste a eu la présence d'esprit de ne pas se précipiter. Si un premier album a vu le jour en 2008, 6 ans se sont écoulés avant la parution de ce surprenant De Silences en Bascules. Surprenant, car loin de la superficialité de nombre de ses pairs, le chanteur se fait porteur d'une musique essentiellement folk, majoritairement mélancolique, dont il signe les mélodies avec un savoir-faire et une maîtrise époustouflants. Le bonhomme a une voix à la fois chaude et fragile, assez proche de certaines intonations d'un J-P Nataf (Les INNOCENTS) et aime à la moduler pour provoquer des ambiances tantôt lumineuses, tantôt plus sombres.

L'album propose quelques fulgurances qui font de Gael FAURE un artiste déjà accompli. La mélodie folk feutrée de "Châteaux de sable" sert de support à un chant tantôt feutré, tantôt expressif, dont certaines lignes mélodiques ne sont pas si éloignées des tonalités pop des britanniques de COLDSPLAY.
Plus immédiat, "Tu me suivras" est un petit tube pop gentillet à la mélodie imparable. Un délice hédoniste mais qui reste en surface et ne possède pas la profondeur de la véritable pépite de l'album qu'est "On dirait l'Islande". Une mélodie désabusée, des paroles splendides signées Tété, et un morceau qui gagne en épaisseur et en intensité sur toute sa durée, transcendé par un chant envoûtant et un refrain d'une grande beauté.

Bien moins marquant, le reste de l'album est néanmoins de très bonne facture : "Un peu" reste dans des ambiances folk mélancoliques, porté par une guitare acoustique et des intonations vocales 'violentes' proches d'un Cali. L'espiègle "Surprise", aux textes irrésistibles, est également à ranger dans le haut du panier. Le reste, pas vraiment anecdotique mais loin d'être aussi marquant que les titres précités, alterne folk et pop plus passe-partout, et doit son intérêt au chant multi-facettes et incroyablement juste de Gael FAURE qui s'impose comme un vocaliste de très grand talent.

Avec "On dirait l'Islande" et ses sonorités proches d'un folk onirique (Angus & Julia Stone, Mumford & Stones), Gael FAURE part gagnant. Rien que ce titre mérite de donner sa chance à De Silences en Bascules bariolé et résolument convaincant. Si le reste de l'opus se fait moins flamboyant, l'ensemble reste néanmoins un folk-pop français de très bonne facture qui satisfera les amateurs du genre et ouvre de belles perspectives d'évolution pour le chanteur rescapé.