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2014 Le Monde Perdu
 

- Style : Moran

DARAN - Le Monde Perdu (2014)
Par GEGERS le 15 Décembre 2014          Consultée 3154 fois

Douceur amère de la bienheureuse tristesse

15 ans que DARAN avait envie de proposer cet album "nu", entièrement acoustique, agrémenté de la seule présence de sa voix et de sa guitare sèche, ainsi que d'un harmonica discret. Le chanteur français, exilé depuis maintenant quatre ans dans un Québec bien plus réceptif à sa musique imagée et désabusée que le pays du camembert, ose enfin franchir le pas. Plus rien à prouver, plus à se justifier auprès des maisons de disques frileuses. DARAN, 22 ans de carrière au cul et 9 albums dans la besace (rappelez-vous des débuts dans les années 90 avec le tube "Dormir dehors"), est le maître incontesté de sa musique. Preuve en est, celle-ci se fait anti-commerciale, anti-bonheur à tout prix, anti-mélancolie gentillette. Malgré le blanc de sa pochette, "Le Monde perdu" est noir, dépressif et désabusé.

Cet album, folk de la première à la dernière note, présente une splendide collection d'illusions perdues, d'analogies destructrices et d'images sans lendemain. Les textes, posés sur des mélodies souvent minimalistes et dépouillés, sont, comme souvent chez DARAN, le corps et le coeur de cet album. Signés de son indéboulonnable acolyte Pierre-Yves Lebert, ils sont virtuoses et touchants, littéraires et très actuels. C'est évident sur "Gens du voyage", tranche de vie de ces nomades devenus sédentaires, peuplant bidonvilles et caravanes aux abords des autoroutes et des rocades. C'est limpide sur "Valentine's Dead", chanson de désamour particulièrement sombre. Absence de perspective, aucun espoir quant au futur de l'humanité ("Fallait pas me parler d'avenir, j'aurais gardé un bon souvenir"), ce morceau, et une bonne partie de l'album, nous donnent l'impression d'avoir été largué dans un univers vide, post-apocalyptique, sans repères ni porte de sortie. Le minimalisme instrumental participe à renforcer cette sensation de basculement dans le vide, et ce mariage entre noirceur textuelle et absence d'arrangements provoque un étrange sentiment de plénitude et de bonheur, comme si l'âme humaine pouvait se complaire dans cette obscurité dérangeante.

Si seuls l'harmonica et la guitare oeuvrent à la construction de cet album, l'ensemble est néanmoins parfaitement mis en son et mixé (dans le studios de l'ingé-son de Ben Harper), et le son chaud et parfaitement clair de la guitare acoustique tranche avec les textes sombres. De même, DARAN a semble-t-il effectué un gros effort sur le chant. Celui-ci est réduit à sa plus simple expression. Le bonhomme chante, bien sûr, mais se contente d'aligner les notes, de les laisser elles-aussi nues, comme pour mieux renforcer son propos. En fait, il n'y a aucune envolée vocale, si l'on excepte la superbe relecture du titre "Une sorte d'église", reprise de l'album Pêcher de Pierres dont le refrain, flamboyant et bouleversant, se voit parfaitement adapté à l'écrin acoustique.

Les titre signés Miossec ("Le monde perdu") et Moran ("L'exil") s'incorporent parfaitement dans un univers loin des "canons de beauté" mis en avant dans les médias traditionnels. DARAN transmet une telle sincérité et une telle fragilité dans sa voix légèrement cassée qu'il est impossible de ne pas être happé par son univers si particulier. A la légèreté relative de "Gentil" (à nouveau, quel texte !), l'artiste oppose une mélancolie sourde sur "Rien ne dit", réflexion poussée sur cette aberration qu'est la survie de l'espèce humaine ("Ce qui est resté, c'est ce qui a tenu, c'est tout ; Rien ne dit que ce soit l'essentiel"... "Ce qui reste ne vaut pas mieux que ce qui fuit, tout d'ailleurs aurait du disparaître..."), et une longue complainte aux allures altermondialises sur "Le bal des poulets", où la fermeture d'un élevage familial au profit d'un élevage intensif, signe d'une mondialisation galopante.

En fait, DARAN est allé si loin dans le noir que tout devient d'un coup blanc, écarlate, éclatant, comme sur la pochette de cet album aux allures de chef-d'oeuvre. On se jette à corps perdus dans ces textes mis en valeur par de splendides mélodies folk, qui laissent penser qu'il s'agit là d'un aboutissement pour l'artiste, qui ne s'est finalement jamais fait aussi percutant, malgré un minimalisme assumé. Réflexion poussée sur la misère de la condition humaine, désillusions environnementales, ce nouvel album que Québécois de coeur met l'homme face à son impossibilité de sortir de sa condition précaire. Un album très intelligent qui provoque un intense besoin de faire le point et de remettre ses priorités en perspective. Pour tout cela, Le Monde Perdu est proche d'un chef-d'oeuvre, à mettre entre toutes les mains de ceux qui pensent, à raison, n'être qu'un grain de poussière.

Ecoutez "Gens du Voyage" : http://www.youtube.com/watch?v=l1gnJVYsBaQ

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   GEGERS

 
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- Daran (chant, guitare, harmonica)


1. Gens Du Voyage
2. Gentil
3. Mieux Qu'en Face
4. Le Monde Perdu
5. Des Portes
6. Rien Ne Dit
7. L'exil
8. Tchernobyl
9. Valentine's Dead
10. Une Sorte D'église
11. Le Bal Des Poulets



             



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