Les rockers et hard rockers sont généralement ceux qui proposent les ballades les plus poignantes. Dans le grand huit des émotions, les adeptes de distorsion et de futals en cuir sont les plus inspirés, les plus convaincants, les plus pertinents. De même, et ce constat est particulièrement vrai depuis le début des années 2000, ce sont les artistes issus des musiques extrêmes qui se font les chanteurs de folk les plus convaincants. Les scènes punk et hardcore, notamment, ont enfanté ces derniers temps nombre d'artistes talentueux, à commencer par les excellents Chuck Ragan et Tim Vantol, ou le plus discret Tim Barry. Sans doute car le folk permet de conserver ce côté rugueux, agressif, brut de décoffrage que ces artistes apprécient tant. Sans doute aussi car ce style permet, voire encourage, l'approximation, et s'épanouit essentiellement dans cette fragilité que les artistes aiment à exacerber.

Un an à peine après son premier album, le jeune Jake Mcelfresh, issu de la scène hardcore américaine, propose un EP de fin d'année qui s'inscrit totalement dans cette mouvance "gros dur reconverti". Essentiellement acoustiques, ces quatre titres mis en valeur par un visuel qui fleure bon l'hiver, le manque de lumière et l'introspection, apportent leur lot d'intensité folk et nous offrent de quoi passer l'hiver. Tout cela est encore un peu jeune, et la candeur avec laquelle le bonhomme nous balance un "I'll be home for christmas" mielleux et prévisible, façon crooner, fait plutôt sourire qu'elle ne séduit. Il y a en revanche, c'est un fait indiscutable, un très grand talent qui perce de cet EP, et notamment de son titre final, "Whole Again". Avec plus de 6 minutes au compteur, voici ici un titre folk qui débute en guitare voix, désabusé et enfumé, avant que cette même voix ne devienne puissante et rugueuse (l'influence metal), porteuse d'un refrain très mélodique, empreint d'une sincérité désarmante. Des harmonies vocales puis une section rythmique viennent ensuite se greffer à l'ensemble, soutenant une guitare électrique arrivant sur le tard pour renforcer un peu plus l'impact du morceau. Une réussite signe d'un grand talent.

Les deux autres morceaux, bien qu'agréables, sont plus convenus, et n'ont pas la vie de ce dernier titre, ni ne parviennent à égaler ce que peuvent proposer les autres artistes du genre. Il y a pourtant bel et bien ici un jeune auteur / compositeur qui, s'il parvient à rester audacieux et inspiré comme il l'est sur "Whole again", semble promis à un bel avenir.