Le groupe breton HIKS développe avec Opération Malicorne une idée présente sur son dernier album original en date, Boson, publié en 2013 (Aztec Musique/Coop Breizh). En conviant Gabriel Yacoub sur un morceau traditionnel ancien et chanté (chose rare pour cette formation instrumentale), il ne leur aura pas fallu longtemps pour concrétiser un projet complet.

Au bout d'un an et quelques mois seulement, HIKS propose un hommage personnel à MALICORNE, formation culte dont on sait qu'elle a peu à peu repris vie depuis son concert aux Francofolies de 2010, sous la direction de Gabriel Yacoub et Marie Sauvet, tous deux présents ici parmi les choeurs. Opération Malicorne devance ainsi en parution le nouvel album de MALICORNE annoncé dans le même laps de temps.

Depuis leur premier album en 2008, HIKS a largement musclé ses effets sonores. Proposant toujours un travail de qualité à ce niveau, entre rock « lourd » et bidouillages électroniques, on pourrait qualifier Opération Malicorne de complément au dernier album original, Boson. Un exercice de style sincère mais peu aisé. L'idée de voir les arrangements les plus fins du revival folk français des années 70 passés à travers la grosse machinerie « drum'n'Breizh » risque fort de soulever des réactions épidermiques, positives ou négatives, en tout cas ne point laisser indifférent !

Conformément à la liste de titres repris (sans trop de surprises), le chant est omniprésent. Il est d'ailleurs plutôt intéressant de la part de HIKS de faire ressortir une interprétation en retenue, avec un timbre de voix clair, plus proche de Hughes De Courson (ancien membre de MALICORNE) que de Gabriel Yacoub. Ce qui laisse rêveur lorsqu'on se souvient d'un élément de qualité et trop discret au sein de la formule originale. Les choeurs de Marie Sauvet sont également toujours appréciables.

De même, riffs de guitares et ménage basse-batterie-programmations imposants, avec une teneur « industrielle » et résolument actuelle, constituent un ensemble musical que l'on retrouve sur la totalité des titres, à l'exception d'un ou deux plus acoustiques. On note cependant du côté de la bombarde, une utilisation nettement moins marquée que sur les albums originaux de HIKS, des solos plutôt modestes mais qui apportent une couleur plutôt jolie à la musique de MALICORNE. De son côté, le violon rend complètement justice au travail de Laurent Vercambre, avec en prime quelques escapades orientales inédites.

Autant dire que les versions sont transfigurées, seuls les textes et le chant évoquent le passé (et le présent) de MALICORNE. Les tempos (lents) et l'esprit sont globalement respectés, et une fois franchi le cap de la découverte -car on parle bien de « gros son » !-, on peut apprécier quelques extraits comme « Le Luneux » et « Le Prince d'Orange », « Pierre de Grenoble » ainsi que « Le Bouvier ». Il faut simplement se dire que c'est différent, que HIKS tente d'être fidèle à l'esprit MALICORNE tout en mettant sa propre identité en valeur.

Cependant, en voulant « actualiser » ces arrangements qui ont marqué toute une époque, HIKS révèle aussi les failles d'une telle entreprise, par des redondances et, de manière caractéristique, sur « L'écolier Assassin » en particulier. Les Bretons n'en sont pas forcément responsables, car la version de MALICORNE en 1976 atteint la perfection avec ses choeurs envoûtants et ses claviers crépusculaires. La pilule reste néanmoins dure à avaler ici, au moment des refrains avec cette rythmique punk assénée et prévisible, en contraste avec un chant par trop linéaire.

On peut également rester dubitatif dès les premières mesures de l'album, cette voix modulée en introduction du « Mariage Anglais », heureusement peu présente sur l'album et vite rattrapée par le chant lead. Quant à l'instrumental final, coda des « Transformations », il est bon mais n'a plus grand-chose à voir avec MALICORNE !... Ce sont des détails, et cela n'enlève pas les qualités du reste de l'album, pour peu que l'on aime ce style. L'idée est celle d'une expérience inédite, avec quelques réussites à la clé.