Si Nigel Kennedy avait un frère maudit, il aurait sans doute l'apparence et le caractère d'Ashley MacIsaac. Ce virtuose du violon, originaire de Nouvelle-Ecosse (Canada) est en effet, en plus d'un musicien de très grand talent, un personnage sulfureux, et intriguant. Accro à la cocaïne, accusé de racisme, auteur de coups de folie lui valant une réputation de fou à lier, le bonhomme est aussi et avant tout un musicien qui mène depuis 1992 une carrière exemplaire, bien qu'aussi déstructurée que le bonhomme : il y est question de musique celtique, de rock, voire de chanson. Que l'on aime ou que l'on déteste, force est de reconnaître que l'artiste excentrique est doté d'un talent à faire pâlir nombre de violonistes.

L'auditeur peut d'ailleurs prendre la pleine mesure de ce talent à l'écoute de ce Live at the Savoy paru en 2004. En décidant de capter sa prestation dans sa région natale, devant un public bienveillant et acquis à sa cause, l'artiste bénéficie naturellement d'un capital sympathie qui rend ce live chaleureux. Le théatre, bâtisse des années 1920, participe également à la construction de cette ambiance invitant à la contemplation et à l'appréciation pure et simple, sans a priori, de la musique proposée par ce virtuose du violon celtique.

Un violon, un piano (dirigé par May Belle Chisholm McQueen), un rythme frappé du pied, voici les ingrédients qui suffisent à construire un univers celtique enivrant et extrêmement riche. Les nombreux changements de rythme, la mise en place de structures complexes et variées (mais permettant tout de même au novice d'apprécier) permettent de tisser une toile captivante et faisant honneur au folk celtique. Le piano, tantôt jazzy, tantôt plus organique, soutient parfaitement ces pièces musicales, traditionnels celtiques ou compositions originales, et participe à la distillation d'ambiances souvent dansantes, parfois mélancoliques, qui font la richesse de cet album.

Le public, respectueux, ne donne de la voix qu'entre les morceaux, mais n'hésite pas à taper des mains pour suivre le rythme frappé du talon. On ressent l'énergie, la tendresse et l'on expérimente le talent à l'état pur à l'écoute de ces cordes frottées, de manière souvent acrobatique, et l'on ne peut que rester béat face au jeu d'Ashley MACISAAC. Le son se fait ample et chaleureux, à la fois fugace et envoutant, et participe grandement à l'intérêt de cet album, qui réussit à capter l'intérêt de l'auditeur de manière constante, le feeling jouant ici un rôle aussi important que la technique pure.

Avec Live at the Savoy, Ashley MACISAAC propose donc un album qui permet de s'initier en douceur aux bienfaits du violon celtique, tout en bénéficiant néanmoins du talent d'un artiste virtuose. Chaudement recommandable, à la fois pour les amateurs et les novices.