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1984 It'Ll End In Tears
1986 Filigree & Shadow

THIS MORTAL COIL - Filigree & Shadow (1986)
Par AIGLE BLANC le 8 Mai 2016          Consultée 2360 fois

Filigree & Shadow, second volet de la trilogie de THIS MORTAL COIL, sorti deux ans après It'll End In Tears (1984) en est incontestablement le meilleur opus. Il pousse jusqu'à son zénith la démarche initiée dans le volume inaugural. C'est certain, un album du pedigree de Filigree & Shadow, il n'en existe pas à chaque coin de rue.
Pour ceux qui prendraient le train en marche, un bref rattrapage s'impose : THIS MORTAL COIL était le projet très personnel d'Ivo Watts-Russel, patron du mythique label indépendant 4AD. Sur le papier, rien ne paraissait plus simple : Ivo Watts-Russel entendait rendre hommage aux chansons qui ont marqué sa musicophilie en les faisant interpréter par les artistes de son propre label.
Le premier volume, It'll End in Tears, avait déjà esquissé les lignes fortes du projet. THIS MORTAL COIL, loin d'offrir des reprises banales et aseptisées de Tim BUCKLEY, de Roy HARPER et de Colin NEWMAN (ne vous attendez surtout pas à un vulgaire album Tribute) poussait l'audace jusqu'à réinventer les oeuvres originales au moyen d'arrangements faisant la part belle à l'électronique, l'électrique et l'acoustique, dans une fusion particulièrement réussie, magnifiant le tout grâce à des interprétations de haute volée, notamment celles de Liz Fraser (chanteuse de COCTEAU TWINS) qui livrait des versions de "Song To The Siren" (Tim BUCKLEY) et de "Another Day" (Roy HARPER) absolument renversantes de beauté.

Le second volet de THIS MORTAL COIL, tout en reprenant la même recette, pousse la démarche de Ivo Watts-Russel encore plus loin. Il ne s'agit plus seulement de réinterpréter en les magnifiant des chansons du répertoire pop-rock, mais de concevoir le recueil comme une expérience unique. L'agencement des chansons fait preuve d'une science frôlant la perfection, la magie dégagée par une production soigneuse confinant au rêve éveillé. Ecouter Filigree & Shadow, c'est plonger dans un univers complexe. Cet album reflète davantage la psyché de Ivo Watts-Russel que l'esprit des auteurs des chansons originales. Il s'écoute religieusement comme on plonge dans un film de David Lynch : un saut dans le vide absolument perturbant mais d'une beauté à nulle autre pareille. L'impression d'unité que dégagent les collaborations diverses d'artistes du label 4AD est à porter au crédit d'Ivo qui vampirise les poulains de son écurie musicale. C'est lui le chef-d'orchestre, le metteur en scène de THIS MORTAL COIL.

D'une durée de 74 minutes, Filigree & Shadow invite à un voyage sombre, souvent mélancolique, dominé par la schizophrénie. En effet, les titres soufflent le chaud et le froid, enchaînant ballades déchirantes et new wave typique des eightie's, négociant aussi quelques apartés en territoire indus. Le voyage livré par ce programme atypique fait la part belle à l'imprévisible. On ne sait jamais à quel saint se vouer : les instrumentaux côtoient les chansons, des plages sereines alternent avec des passages torturés dans un télescopage vertigineux à faire perdre les repères de l'auditeur.
Ce recueil de reprises ne dépasserait pas l'exercice de style, même brillant, sans les compositions originales de David Curtis, de Simon Raymonde et d'Ivo Watts-Russel qui servent de liant à tous ces titres hétéroclites. A charge au producteur John Fryer ensuite d'uniformiser ces sources diverses par un effet de morphing sonore, les 24 pistes s'enchaînant presque sans aucun blanc et l'ensemble dégageant une science de l'architecture intérieure proprement étourdissante. La reprise fréquente donc l'inédit dans un ordre apparemment aléatoire. Filigree & Shadow possède la force et le pouvoir incantatoire d'une expérience cinématographique.
Ce qui protège aussi le disque du piège de l'artifice, c'est bien entendu la qualité intrinsèque des reprises abordées avec une sincérité et une compréhension profondes de leurs sources.

Les moments forts ne manquent pas : la reprise de COLOURBOX, "Tarantula", apparaît totalement transfigurée. D'une chanson synth-pop simplement agréable, elle devient une ballade déchirante où le violon de Gini Ball et les claviers de Jon Turner enveloppent l'auditeur dans un écrin soyeux tandis que l'idée d'opter pour trois voix différentes, celle du chanteur Dominic Appleton pour les couplets et celles des deux soeurs Louise et Deirdre Rutkowski pour le refrain confère à cette version une dimension dramatique dont je ne me suis toujours pas remis.
La formidable reprise de Judy Collins, "My Father", poursuit dans le même registre de la ballade intime, profondément émouvante, à laquelle Alison Limerick au chant prête toute sa sensibilité. La même Alison interprète brillamment "Come Here My Love" de Van MORRISON, mais le background musical, fait de claviers ambient transpercés de zébrures indus, métamorphose une belle ballade en une glaçante litanie.
La superbe "Strength of Strings" de Gene CLARK offre l'un des moments les plus puissants de Filigree & Shadow. Dominic Appleton y livre une performance vocale marquante, tandis que les accords abrasifs des guitares de Keith Mitchell et Nigel K Hine, appuyés par ceux des claviers de Jon Turner, assurent l'épine dorsale de ce titre dévastateur. Le faire suivre de la ballade de Tim BUCKLEY, "Morning Glory", était osé tant leurs atmosphères contrastent au plus haut point. Mais en définitive, les contraires s'alimentent simultanément en se mettant respectivement en valeur. Autant la version originale peut sembler assez banale, autant cette reprise interprétée par les soeurs Rutkowski touche au sublime, transcendant à nouveau le titre "I want To Live", magnifique ballade folk de Gary Ogan et Bill Lamb, livrée ici dans une version des plus torturées. Inoubliable.

Parmi les pièces instrumentales servant de pont entre deux chansons, on peut relever les très belles "Meniscus" et "Tears" où David Curtis (DIF JUZ) à la guitare déploie des trésors d'arpèges carillonnants, "Velvet Belly" où le violoncelle de Martin McCarrick et le violon de Gini Ball agissent comme une ouverture de rideau au théâtre, la très reposante et climatique "Ivy and Neet" transcendée par le piano introspectif de Simon Raymonde et le saxophone mélancolique de Richard Thomas (DIF JUZ). La très sombre et indus "The Horizon Bleeds And Sucks Its Thumb" bénéficie d'arrangements aux claviers absolument traumatisants, une authentique plongée dans les tréfonds de la new-wave la plus dépressive.

Filigree & Shadow réussit l'exploit d'assembler des reprises formidablement réarrangées dont la somme dépasse en qualité celle de chaque titre isolé. C'est pourquoi il est si difficile de rendre compte avec justesse de l'expérience qu'il procure. Si vous êtes sensible à la new-wave pratiquée par les néo-romantiques, à la poésie baudelairienne et à la démarche expérimentale des travaux de BOWIE et ENO, vous gagnerez à vous pencher sur le second volet de THIS MORTAL COIL. Mais attention, le risque est que vous n'en reveniez jamais.

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   AIGLE BLANC

 
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- Martin Mccarrick (violoncelle, arrangements)
- Simon Raymonde (piano, claviers, guitare,basse)
- Ivo Watt's Russel (programmation, effets, loops)
- John Fryer (programmation, effets, loops)
- John Turner (claviers, orgue)
- Mark Cox (claviers)
- Gini Ball (violon, alto)
- Dominic Appleton (chant)
- Richenel (chant)
- Deirdre & Louise Rutkowski (chant)
- Alison Limerick (chant)
- Caroline Seaman (chant)


1. Velvet Belly
2. The Jeweller
3. Ivy And Neet
4. Meniscus
5. Tears
6. Tarantula
7. My Father
8. Come Here My Love
9. At First And Then
10. Strenght Of Strings
11. Morning Glory
12. Inch-blue
13. I Want To Live
14. Mama K (1)
15. Filigree & Shadow
16. Firebrothers
17. Thaïs (1)
18. I Must Have Been Blind
19. A Heart Of Glass
20. Alone
21. Mama K (2)
22. The Horizon Bleeds And Sucks Its Thumb
23. Drugs Red Rain
24. Thaïs (2)



             



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