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1984 It'Ll End In Tears
1986 Filigree & Shadow

THIS MORTAL COIL - It'll End In Tears (1984)
Par AIGLE BLANC le 16 Décembre 2015          Consultée 2122 fois

THIS MORTAL COIL reste à jamais le secret le mieux gardé de l'écurie 4AD. En effet, si le fameux label indépendant doit son statut de label culte à COCTEAU TWINS et à DEAD CAN DANCE, les deux groupes les plus emblématiques de son esthétique durant les années 80 et entrés depuis dans l'histoire officielle du rock, il n'en a pas été de même de THIS MORTAL COIL, entité demeurée obscure de 4AD et aujourd'hui noyée dans les limbes de l'oubli.

THIS MORTAL COIL était le concept exclusif d'Ivo Watts-Russel, créateur et patron du label certes, mais avant tout esthète mélomane. Au lieu de recourir à un casting 'étranger', Ivo eut l'idée aussi géniale qu'évidente d'enrôler dans son 'projet musical' les musiciens de son écurie, selon l'adage bien connu : 'On n'est jamais mieux servi que par soi-même'.
C'est ainsi qu'on retrouve dans ce premier opus, au gré des associations occasionnelles, Gordon Sharp (chanteur de CINDYTALK), Simon Raymonde, Robin Guthrie et Liz Fraser (les COCTEAU TWINS), Steven et Martyn Young (claviers de COLOURBOX), Mark Cox (organiste de THE WOLFGANG PRESS), Lisa GERRARD et Brendan PERRY (DEAD CAN DANCE), Robbie Grey (chanteur de MODERN ENGLISH) et Manuela Rickers (guitariste de XMAL DEUTSCHLAND).
La démarche d'Ivo n'est pas sans similitude avec celle d'Alan Parsons qui, au-delà de son statut d'ingénieur du son, avait su créer puis développer la célèbre entité ALAN PARSONS PROJECT, le must de la pop classieuse post-classique, avec son acolyte Eric Woolfson. A la différence près que THIS MORTAL COIL n'a pas connu la même longétivité ni le même succès que ceux d'A. Parsons.

Durant son éphémère existence, entre 1984 et 1990, T.M.C a sorti en tout et pour tout trois L.P dont celui sur lequel se penche cette chronique.
It'll End in Tears, volume inaugural d'une trilogie en tous points remarquable, pose les bases d'une formule inédite. Il s'agit pour Ivo de collecter quelques-unes de ses chansons préférées et de laisser des artistes de son label les réinterpréter. La sélection nous permet de découvrir ou de redécouvrir des chansons d'Alex CHILTON, Tim BUCKLEY, Roy HARPER, Colin NEWMAN. Ce projet diffère de la majeure partie des albums Tribute par la confidentialité relative des songwriters honorés et par l'ambition de proposer des reprises totalement réinventées. Ne vous attendez pas à des "Covers" dociles et timorées qui se contenteraient de reproduire le son des versions originales.

A ce jeu, les plus brillants sont incontestablement les membres de COCTEAU TWINS qui participent à des degrés divers aux reprises de "Kangaroo" (Alex CHILTON), "Song To The Siren" (Tim BUCKLEY) et "Another Day" (Roy HARPER).
La version de "Kangaroo" déploie ici une sombre étrangeté que soulignent la fluidité de la basse de Simon Raymonde (bassiste de COCTEAU TWINS) et la subtile mélancolie du violoncelle de Martin McGarrick. Le chant de Gordon Sharp alterne tonalité de baryton, conférant à son interprétation des allures de crooner, et passages en falsetto à la lenteur qui s'étire en une plainte. Pour sûr, cette chanson intrigue plus qu'elle ne séduit en raison de l'absence de refrain. Cependant, c'est une entrée en matière intéressante.
"Song to The Siren" est une création de Tim BUCKLEY, à l'origine simple ballade folk plutôt banale mais que les COCTEAU TWINS transcendent ici littéralement à coups d'arpèges liquides du guitariste Robin Guthrie et grâce au chant hanté de Liz Fraser, sans-doute sa prestation la plus remarquée. Bien plus tard, une pub de parfum l'a reprise et David Lynch l'a incorporée judicieusement dans l'une des scènes les plus hallucinées de son superbe Lost Highway (la scène d'amour nocturne devant les phares éblouissants d'une voiture). Le fait que la chanson originale, écrite et chantée par un homme, soit interprétée ici par une femme rend encore plus ensorcelants les appels de la sirène. Je ne vois guère que Françoise HARDY à avoir réussi pareil exploit dans l'interprétation idéale et définitive qu'elle offrit de la "Suzanne" de Leonard COHEN, autre sirène immortelle. Un Bijou.
Et comme une surprise ne saurait arriver seule, Liz Fraser nous gratifie d'une autre perle diaphane : dans "Another Day", elle trouve des accents d'une rare suavité qui magnifient la belle chanson de Roy HARPER. Le violon de Gini Ball et le violoncelle de Martin McGarrick, fondus dans une exquise harmonie, offrent en arrière-plan un écrin idéal à la voix délicate de la chanteuse. Cette reprise n'a rien à envier à celle de "Song To The Siren", même si elle n'a pas trouvé autant d'écho que cette dernière.

Les autres vainqueurs de ce disque sont les DEAD CAN DANCE qui interprètent quant à eux des compositions personnelles. En effet, Lisa GERRARD signe les magnifiques "Waves Become Wings" et "Dreams Made Flesh" sur lesquelles son chant incantatoire reproduit le flux et le reflux marins dans le style unique qui la rendra célèbre lorsque Hans ZIMMER fera appel à elle dans sa B.O de Gladiator. Ces deux plages éthérées à la mystérieuse beauté figurent probablement parmi les interprétations les plus hallucinées de la chanteuse australienne.
Coincé entre ces deux titres, "Barramundi", l'étonnant instrumental de Simon Raymonde, où Lisa GERRARD joue de l'accordéon, se fond tellement bien dans cette atmosphère brûmeuse qu'il semble en être le prolongement naturel. En tout cas, la succession de ces trois plages constitue le meilleur passage de l'album, celui qui hisse le premier opus de THIS MORTAL COIL au-delà d'un simple recueil de reprises et montre peut-être la voie aux deux L.P à venir.

Je me dois de préciser que THIS MORTAL COIL enrichira considérablement la formule décrite ici dès le second volume de sa trilogie, beaucoup plus complexe et recherché, et que la clé essentielle pour saisir la beauté profonde du projet d'Ivo Watts-Russel, c'est de ne jamais s'en tenir aux chansons elles-mêmes qui, parfois, ressemblent plus à des esquisses comme "Fond Affections" ou l'ultime instrumental "A Single Wish" dont l'intérêt ne réside pas tant dans la musicalité que dans l'atmosphère traversée.
Dépassant le simple catalogue de reprises, même métamorphosées, Ivo imprime à son projet les inflexions de ses humeurs les plus secrètes que traduit à la perfection la production brûmeuse et onirique de John Fryer que l'on imagine sans peine drivé par le patron du label. Malgré la diversité de leurs sources musicales, les chansons et instrumentaux créés pour ce volume sont traversés par une sensibilité unique qui crée l'illusion que tous les titres sont l'oeuvre d'un seul compositeur, Ivo peut-être, qui se révèle hanté par une sombre mélancolie, dépressif et parfois mortifère.
Si vous connaissez de réputation les enregistrements labellisés ECM, la célèbre maison de disques allemande spécialisée dans le jazz contemporain, alors vous comprendrez ce qui fait l'identité intrinsèque des enregistrements de THIS MORTAL COIL, reconnaissables à la texture intimiste et rêveuse sculptée par l'ingénieur du son John Fryer.

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   AIGLE BLANC

 
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- Elizabeth Fraser (chant - titres 2 & 7)
- Gordon Sharp (chant - titres 1, 5 & 12)
- Howard Devoto (chant - titre 3)
- Lisa Gerrard (chant - titres 8 & 10)
- Robbie Gray (chant - titre 11)
- Brendan Perry (basse & batterie - titre 10)
- Robin Guthrie (guitare -titres 2 & 11)
- Simon Raymonde (basse, synthé -1, 6, 9 & 12 )
- Steven Young (piano - titres 3 & 12)
- Martyn Young (synthétiseur - titres 4 & 5)
- Martin McGarrick (violoncelle - titres 1, 3 )
- Gini Ball (violon )
- Mark Cox (synthétiseur - titre 5)


1. Kangaroo
2. Song To The Siren
3. Holocaust
4. Fyt
5. Fond Affections
6. The Last Ray
7. Another Day
8. Waves Become Wings
9. Barramundi
10. Dreams Made Flesh
11. Not Me
12. A Single Wish



             



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