Je ne sais plus de qui est cette citation (Courteline? Tristan Bernard? Oscar Wilde?), mais je l'aime beaucoup: "L'artiste doit surprendre son public, mais avec ce qu'il attend." Ce qui veut dire qu'il s'agit d'être innovant, différent, surprenant, tout en faisant la même chose, parce que faut pas trop dérouter le public non plus merde à la fin. Le titre du deuxième album des LAST SHADOW PUPPETS fait penser à ces mots. "Tout ce que vous êtes venus attendre".

Avec eux, c'est vrai, la promesse est entendue. Miles KANE et Alex TURNER avaient épaté la galerie avec leur projet en 2008 qui avait abouti à un des albums les plus élégants de l'année, tout en pop sixties avec moult orchestrations rutilantes z'et clâssieuses où les cordes sont reines. Au moment où ils remettent le couvert, huit ans plus tard, on ne peut imaginer qu'ils fassent autre chose que ce pour quoi on les attend. La nouvelle d'un deuxième disque était donc teintée de réjouissances, autant que d'appréhension, car tout cela sent tout de même la recette vite-fait bien-fait.

Question élégance pop, on est servi d'emblée. Ce "Aviation" est calibré pour nous plaire, il reprend la conversation là où The Age Of Understatement l'avait laissée. Tout cela sent le smoking, les paillettes, le micro qui brille, c'est clâssieux en diable, impeccable. Un style bien maîtrisé également sur "Pattern" dont le rythme est suffisamment prenant pour qu'on le suive jusqu'au bout sans déplaisir. Autre moment notable, ce "Bad Habits" (sorti en single) super efficace: les coups d'archets sont parfois dissonants et KANE a vraiment envie d'en découdre. Il est agressif comme tout, se la joue voyou, c'est une belle surprise de l'album.

Pour le reste, c'est hélas bien décevant. Aucun titre ne sort vraiment du lot, les deux comparses semblent en pilotage automatique et n'ont pas vraiment cherché à se sublimer. Malgré les 3 bons titres cités avant, rien ne vient vraiment titiller la cheville d'un "Standing Next to Me", par exemple. Même la sympathique "Element of Surprise" se fait oublier dès la fin de la piste. "Sweet Dreams TN" ne décolle jamais et s'avère au final assez pompeuse et lourde. "Bourne Identity" est plate, et la chanson titre porte bien son nom : effectivement, nous n'y trouvons rien d'autre que ce que nous savions trouver en arrivant. Il n'y a guère que "Dracula Teeth" et son twang de guitare pour nous réveiller un peu et apporter une mélodie bien sentie.

Deux titres excellents ("Aviation", "Bad Habits"), deux qui ne sont pas scandaleux ("Pattern", "Dracula Teeth")... et le reste est à oublier. C'est bien faible pour deux artistes aussi talentueux que ces deux-là. Ce deuxième album donne l'impression d'un travail trop fainéant, facile et calibré pour un auditoire bobo. Il ne suffit pas de foutre des beaux violons partout pour faire le job. C'est dommage.