Un an après avoir ébloui toute la sphère indie avec sa magnifique mixtape, Frank Ocean enfonce le clou avec son premier album officiel « Channel Orange ». Un disque chic et choc qui le consacre un peu plus comme le sauveur du r’n’b contemporain, genre musical en perte de vitesse à cette époque. Ceux qui connaissent Frank de son premier projet ne seront pas surpris par le contenu de cet opus, les autres en revanche se prendront une sacrée claque en pleine gueule. Avec son style inimitable, Frank réinvente la soul et nous entraîne au coeur de ses pensées les plus mélancoliques, à travers des textes toujours plus intenses et personnels.

Mais en dehors de son talent artistique, c’est aussi le personnage qui surprend et va toucher le grand public. Quelques semaines avant la sortie de son album, Frank publie sur internet une lettre - extrêmement touchante - dévoilant sa bisexualité et son amour pour un autre homme. Dans le monde du hip-hop américain, c’est très inhabituel et donc plutôt fort de s’assumer à ce point. Tout le gratin va d’ailleurs saluer le courage de Frank. Le symbole est important, mais ce petit « buzz » était-il vraiment nécessaire ? Pas besoin de cette lettre pour comprendre l’orientation sexuelle de Frankie, car cet amour « interdit » transparaît dans les lyrics de plusieurs chansons de l’album, à travers des textes souvent bouleversants de sensibilité.

A commencer par le premier extrait « Thinkin bout you », splendide love song pleine de sensualité qui nous entraîne directement dans son univers et donne le ton au reste de l’opus. On ne pourra plus en décrocher. Même au travers des petits interludes qui - comme pour sa mixtape - ne sont pas très intéressants, mais font néanmoins la transition entre les pistes, installant une ambiance rétro et nostalgique. Plus entraînante, « Sweet life » flirte avec un hip-hop très funky qu’il incarne à merveille, avec Pharrell Williams à la production. Un titre qui deviendra un incontournable des fans. Même réussite avec « Super rich kids », ballade r’n’b ultra sensuelle où Frank tacle sans vergogne les petits gosses de riches Californiens. Difficile de ne pas taper du pieds avec le beat chaud de « Pilot Jones », autre magnifique slow où vocalement, Frank envoie tous ses concurrents au tapis.

Loin de faire dans la joie de vivre, Frankie cause aussi drogues dures et dérives d’une jeunesse en perte de repères avec l’excellent « Crack rock », une track pourtant légère et entraînante, joli paradoxe vu le texte sombre. Et que dire de l’orgasme provoqué par les dix minutes vertigineuses de « Pyramids » ? Ce titre tout bonnement exceptionnel demeure le sommet du disque. Ocean se contrefiche du format radio et montre tout son savoir-faire avec un tel titre. Un texte puissant, une prod ambitieuse, diverses variations de tempo. Le titre bénéficiera même d’un clip très esthétique et à la hauteur du morceau, carton total. La suite pourrait, du coup, se révéler décevante, et bien pas du tout. « Lost » est un titre super sympa, un poil trop traditionnel, mais tellement efficace. Un morceau pop, aérien, lumineux, pur bijou.

Mis à part «Monks », pas si génial, la fin de l’opus recèle de petites perles à écouter encore et encore. « Bad religion » est la chanson où Ocean parle très explicitement de son amour pour un autre garçon. Un splendide texte décrivant tous les sentiments de Frankie devant cet amour impossible, l’une des plus belles pistes de l’album. C’est ensuite Andre 3000 qui vient lui porter main forte dans la très mélancolique « Pink matter », et c’est encore une fois d’une sublime pureté. Le disque s’achève avec le planant « Forest gump », un final élégant et sensuel.

Bref, sans parvenir à être aussi surprenant que sur sa mixtape, Frank Ocean livre un très beau premier album avec « Channel Orange ». Un disque ambitieux, sensible et souvent puissant. Avec ce projet, acclamé de tous les côtés, Ocean est au sommet de la hype et pèse dans le game comme on dit. Tellement que depuis ce beau projet, on attend un deuxième album, sans cesse annoncé puis repoussé depuis quatre ans. Vas-y, Frankie, on t’attend..