Des titres d'albums en binômes ying-yang. Après Garçons & Filles, voici Son & Couleur. On parie sur le prochain, Sea & Sky? East & West?

Mais parlons de celui-là. Avril 2015.

Après le super premier disque, Brittany Howard et ses garçons de l'Alabama reviennent avec un bazar qui sent le travail, l'ambition et la sueur des gens qui vibrent pour la passion de la musique. Sound & Color c'est Boys & Girls en mieux. En beaucoup mieux. Un an passé à peaufiner, brosser, repenser, astiquer. Ca s'entend! Compositions, ruptures, dialogues de guitares en stéréo, ajouts d'instruments, reverb occasionnelle, électricité, énergie savamment dosée. Quelle baffe!

Quand on écoute l'intro de "Future People", on se demande depuis combien de temps les poils de nos avant-bras ne se sont pas hérissés comme ça. Une attaque de 6-cordes comme on n'en rêvait plus pour un morceau ficelé avec un brio confondant. Auparavant c'était "Dunes" qui nous avait scotchés par son souffle et sa puissance, et "Don't Wanna Fight" (que le groupe a choisi comme single), bluffant de hargne brute, avec juste ce qu'il faut d'habillage sonore pour délecter les oreilles. Un enchaînement de bombes qui laisse pantois. Et quels musicos, nom de bleu! Le bassiste virevolte sans se départir de son rôle, le batteur est un marteau dans un gant de velours, les parties de guitares ou claviers se répondent à merveille.

Puis c'est "Gimme All Your Love" qui débarque et là c'est par terre qu'on se retrouve. Ce morceau accomplit le miracle de TOUT contenir. La puissance, le lyrisme, le rock, le blues, la soul, la sensibilité, la foudre et la brise, le cri primal et le murmure amoureux. Le meilleur morceau de 2015. Facile. Cent écoutes n'y ont rien changé. Tuant à chaque fois.

On voyait le miracle arriver dès le début: ce genre de clavier sur le titre "Sound & Color" n'était pas présent sur le premier disque. Quelques cordes, une deuxième voix bien pensée, on sentait dès le début que les ALABAMA SHAKES n'avaient pas pris le projet casse-gueule du "deuxième album" à la légère. Avec "The Greatest" ils s'essaient même à une sorte de punk très direct, à leur façon. Et même ça il y arrivent bien, les cons.

Mention spéciale à la production, très "live" et pourtant magnifiquement équilibrée et raffinée. Le producteur Blake Mills a d'ailleurs été nommé aux Grammys pour ce job. Nous sommes toujours dans un esprit de tradition (James BROWN, par exemple, n'est jamais très loin), et pourtant cet album est fantastiquement moderne.

Envie, donc, de mettre 4 étoiles because "convaincant de bout en bout" malgré quelques remplissages. Mais quand on écoute "Gimme All Your Love", franchement, faut avouer qu'on meurt d'envie d'en foutre une cinquième. Rarement entendu un morceau aussi parfait.