Connaissez-vous Dennis Young ? Peut-être pas, car il s'agit là d'un nom qui se prête plus à la célébrité dans l'underground. Mais peut-être que le nom de Liquid Liquid dira plus quelque chose. Pour rappel, c'est une formation culte, à la discographie courte mais ô combien joussive, d'après ceux qui l'ont écoutée. Dennis Young en était membre, et jouait avec ses comparses des percussions en folie. Mais lorsque le groupe a splitté, le musicien a ensuite suivi une carrière solo assez particulière, en partie résumée dans la compilation W A V E, rassemblant ses travaux étalés de 1984 à 1988.

Pour peu que l'on connaisse Liquid Liquid, on pourrait s'attendre au mieux à une prolongation personnelle du concept, au pire à une sombre carrière pop facile. Et bien, c'est ni l'un ni l'autre mon capitaine, loin s'en faut. En effet, c'est à la musique électronique que Young se dédie et rend hommage. Il faut dire que le bonhomme a été éveillé aux claviers grâce à un concert d'EMERSON LAKE & PALMER, et qu'il connait plutôt bien son école de Berlin, sans compter les trublions de CLUSTER. L'influence de ces derniers est d'ailleurs bien palpable sur W A V E, ainsi que celle d'Edgar Froese.

On remarque du coup que pour de la musique électronique des années 80, les compositions présentes sur l'album sonnent en retard d'une guerre, plus encore que les premiers travaux solo de Steve Roach. Ceci étant, ce qui frappe d'emblée avec W A V E, outre les références évidentes aux monstres sacrés du genre, c'est tout d'abord la beauté du son. Si la musique a clairement vieilli, elle reste néanmoins crédible et n'a pas le malheur d'être recouverte d'une âpre poussière avilissante. Ensuite, en ce qui concerne la musique en elle-même, il est dommage que Dennis Young n'ait pas trouvé un groupe lui offrant une meilleure visibilité. Le musicien sait en effet manipuler l'art si délicat de la séquence, et en tire des morceaux suffisamment riches et intéressants, qui n'arrivent à ennuyer profondément que ceux qui n'ont pas d'atomes crochus avec l'électronique.

Parmi les meilleures pièces de W A V E, il est aisé de citer "Found Trees", assez proche de ce qu'a fait Froese sur Pinnacles (1983), les nappes de claviers en arrière-plan en moins. "Project Ozma" annonce pour sa part la couleur générale dès le début, et présage de très bonnes choses au vu de sa séquence principale sur laquelle viennent se greffer d'autres motifs musicaux prenants. À l'opposé, "Starlight, Starbright" offre une conclusion onirique et plutôt belle, à condition d'accepter la voix de Young. Une petite surprise se trouve également en "Ancient Vision", où le musicien se lance dans un ambient volontiers sombre, tranchant avec le reste de l'album, mais n'en restant pas moins intéressant à écouter.

Il manque ceci étant un petit quelque chose pour faire de W A V E un disque incontournable. Moins de morceaux, peut-être ? Certes, mais ce n'est qu'un mal mineur, somme toutes. Non, la musique, aussi belle et maitrisée soit-elle, manque parfois de densité, ailleurs c'est une répétition un peu lassante qui s'impose ("Spirit of the Ages", par exemple). Mais pour un ensemble de compositions censées faire honneur au fleuron des années 70, c'est globalement du très bon qui se présente à l'auditeur.

Note réelle : 3,5/5