Lene MARLIN, on ne demande pas qui se souvient d'elle, car il y aura toujours des personnes pour fredonner "Where I'm Headed" et "Sitting Down Here". Avec une poignée de singles efficaces, la native d'Ullsfjord en Norvège s'impose à échelle internationale, alors qu'elle n'a même pas vingt ans. Cela a des retombées positives mais également bouleversantes sur la carrière de la jolie Lene, qui aura du mal à s'en remettre.

Son premier disque, Playing My Game, elle l'écrit entre 17 et 18 ans, et elle décroche un contrat auprès de la filiale norvégienne de Virgin Records. On ne peut pas rêver meilleure mise en vue, quand on est une jeune femme à la voix d'ange et qu'on croit en ses rêves. Trois clips reviennent en boucle sur les grandes chaînes musicales, "Sitting Down Here", "Where I'm Headed" et "Unforgivable Sinner", sans parler de la diffusion en radio.

Derrière l'innocence de la jeunesse, il y a déjà quelques désillusions relatives aux amours, aux doutes concernant l'avenir. C'est ce sujet universel que l'on retrouve dès le tube porteur, "Sitting Down Here", qui révèle la blonde Lene MARLIN mieux qu'aucun autre. "I'm sitting down here but hey, you can't see me...", quelques mots de fille amoureuse et sans retour de la part du garçon suffisent à toucher directement des millions de jeunes personnes. Avec le recul, on note le contraste avec l'hypersexualisation de la génération suivante.

C'est vraiment la pop des années 90, fraîche, avec des sonorités électroniques mais où les guitares folk ainsi que les claviers aériens et légers ont encore un sens primordial. Le caractère ensoleillé contrebalance la tristesse parfois inhérente aux paroles, appelle directement à l'évasion. C'est pour cela que ça marche, et "Where I'm Headed" vient surfer sur la même vague de succès. Elle semble avoir été écrite le même jour que "Sitting Down Here".

Le rythme est similaire, entraînant, joyeux, les mélodies sont splendides. Sur "Sitting Down Here", on remarque le choix d'un couplet très linéaire et bavard, qui ne sert que mieux le refrain libérateur. Bien vu. Et puis, il y a les guitares slide de Stray, musicien accompagnateur de miss MARLIN, qui en plus de la belle voix, contribuent au débordement de sensualité d'une telle formule, à son efficacité tout simplement. Les clips jouent sur les contrastes, avec des plans sur la chanteuse, dans des voitures et dans les rues d'Oslo.

Le reste de Playing My Game, l'album, est nettement différent, beaucoup plus posé. Le claviériste Jorn Dahl se taille la part du lion, en particulier sur des slows et ballades lentes, typiques des années 90 elles aussi, avec une pointe de nostalgie 80's. On peut ainsi savourer la voix de Lene dans un autre registre, car ces morceaux "Flown Away", "Playing My Game" et "Maybe I'll Go", aux nappes vaporeuses et aux percussions légères, basse et piano à l'avenant, sont vraiment beaux.

"So I See" et ses cordes ont peut-être été écrits en hommage à TEXAS, groupe qui cartonne un an plus tôt avec son fameux disque White on Blonde. Le son r'n'b des 90's est mieux représenté sur "The Way We Are" et "Unforgivable Sinner", dans une veine moins convaincante, mais qui garde quelques charmes, pour le single néanmoins, en grande partie grâce aux guitares.

Surtout, ce disque est abordé d'une façon trompeuse, car on pourrait croire qu'il est joyeux et enlevé tout le long, à cause des deux principaux tubes. Il n'en est rien. Pour autant, la qualité est plus ou moins répartie, avec juste une ou deux baisses de régime à la fin et au milieu ("The Way We Are"). La jeune Lene MARLIN mettra du temps à passer le cap de ce disque : le prochain ne sortira qu'en 2004, et le succès ne sera plus jamais le même.