Lorsque NEU! implose en 1975, Klaus DINGER en ramène deux souvenirs : sous le bras droit, son carnet d'expériences proto-punk ; sous le bras gauche, son petit frère, Thomas. Il réunit bientôt les deux dans ce qui sera LA DÜSSELDORF, peut-être l'un des premiers crachats du punk outre-Rhin. Sept ans plus tard, le groupe est en stand-by après un troisième album complètement raté. Timidement, Thomas DINGER demande à son aîné l'autorisation de produire son propre disque. Le grand Klaus embrasse l'idée – la pochette du vinyle sera même estampillée « mitglied von La Düsseldorf » (1), mais n'y participe pas. Après sa sortie en 1982, Für Mich restera longtemps un artefact oublié, à l'instar de nombreuses productions du même type. Il faut ainsi attendre 2013 et Bureau B, label unanimement reconnu pour la qualité de son catalogue, pour le voir enfin ressortir des entrailles de la terre.

Pour continuer dans la métaphore, il existe néanmoins des reliques qu'il faut parfois laisser endormies. Für Mich méritait-il ce dépoussiérage ? Rien n'est moins sûr. Thomas DINGER délaisse largement l'univers musical de LA DÜSSELDORF pour en revenir à celui de NEU!, version '75. Et même, faisons simple, Für Mich est quasiment une relecture de Neu! '75. Thomas réécrit les partitions et proposent ses propres « expérimentations » (foireuses) certes, mais dans l'ensemble les deux disques n'ont pas grande différence … à l'exception notable des morceaux « punk », absents ici, pourtant marque de fabrique de LA DÜSSELDORF !

Essayons donc d'établir quelques parallèles. Für Mich s'ouvre ainsi avec la très convenue « Ballgeflüster », progression balourde au charme désuet, où l'on décèle l'influence de « Seeland ». Ensuite, c'est au tour de la motorikienne « Für Dich » de s'inspirer de « E-Musik », deux compositions intéressantes au départ, mais toutes deux vite rébarbatives, où la qualité de la seconde l'emporte largement sur la première. Car oui, en plus, Für Mich n'est guère desservi par sa production : douze ans plus tôt, le premier album de NEU! sonne bien moins cheap que celui-ci ! Allons, poursuivons encore avec « E-605 » qui s'imagine quant à elle rivaliser avec « Leb' Wolh ». Que du bon goût, Thomas DINGER y remplace le chant léthargique de son frérôt par les aboiements de son chien !

Für Mich est un disque purement anecdotique. Les expéditives « Leierkasten », « Alleewalzer » et « Für Euch » passent en saluant de la main et s'évanouissent de la même façon. Le seul morceau un tant soit peu appréciable reste peut-être « Für Dich », mais celui-ci ne conviendra qu'aux amateurs de motorik puissant, dans la droite ligne de LA DÜSSELDORF. La première erreur faite par Thomas DINGER ici, c'est d'avoir voulu atteindre l'éclat des compositions de Michael ROTHER en procédant avec le même esprit « do-it » qu'avait eu son frère. Le style est ici trop brouillon. On ne peut pas non plus refaire le coup d'un Neu! '75 avec le matériel de fortune dont disposait délibérement le bonhomme à l'époque. Für Mich est loin d'honorer les influences dont il se réclame, Michael ROTHER et Wolfgang RIECHMANN, et la présence de l'expérimenté Hans LAMPE, second larron du méfait, n'y change absolument rien.

La carrière de Thomas DINGER prendra un certain temps à repartir dans les années 80. En 1986, il fonde 1-A DÜSSELDORF, énième ersatz de LA DÜSSELDORF, qui produira une poignée d'albums entre 1999 et 2003. En solo, il faut attendre la compilation intitulée 2000, sortie en 2015, pour revoir le nom de Thomas DINGER sur une pochette. Ce dernier s'est éteint en 2002, à l'âge de 49 ans. Son grand frère le suivra quelques années plus tard, en 2008.

Note réelle : 1,5/5