Héritières d’une certaine rigueur symphonique russe, les SPICE GIRLS ont bouleversé le paysage musical de la fin du XXe siècle. A la fois subtiles et immédiates, leurs compositions ont enflammé le cœur de millions fans. Par-delà la richesse philosophique des textes et les prises de position courageuses de ses cinq membres, l’Histoire avec un grand « H » retiendra un groupe révolutionnaire qui paracheva le monument pop, monolithe de marbre blanc grossièrement taillé par les BEATLES quarante plus tôt.

Victoria Adams : sensuelle et mystérieuse, Emma Bunton : délicate et attendrissante, Melanie Chisholm : rugueuse et combative, Melanie Brown : excentrique et stellaire, Geri Halliwell : lumineuse et pimpante. Tant de qualificatifs et pourtant les mots me manquent quand il s’agit de décrire l’admirable synergie qui anime le groupe. Chaque pas de danse, chaque note, chaque ligne de chant est le manifeste d’une musique aérienne, touchante, hypnotisante…

Formées en 1994, les SPICE GIRLS, alors appelées TOUCH, ne savent encore rien du destin exceptionnel qui les attend. Animées d’une soif insatiable de gloire et de reconnaissance, nos cinq égéries élaborent dans les ténèbres de l’anonymat la recette de leur futur succès. Bien loin de la prétention rigide d’un certain John COLTRANE ou des futiles épanchements lacrymaux d’un Piotr TCHAIKOVSKY, les SPICE GIRLS signent avec leur premier album Spice une épure musicale au pouvoir envoûtant quasi-occulte.

« Wanabee » le premier single, ainsi que ceux qui suivront : « 2 Become 1 », « Who Do You Think You Are ? », « Say You’ll Be There », marquent la fin d’un Art fait d’approximations et d’imitations. Avec les SPICE GIRLS, la musique se fait science, terrible et exacte, si loin des balbutiements poussifs des quatre siècles précédents. Pourtant, en marge de ces quatre singles dantesques, Spice recèle des pépites trop souvent ignorées par le profane. Car il faut bien une certaine éducation musicale, une certaine maîtrise du solfège, pour s’approprier « Last Time Lover » ou « Naked ». Ici, les arrangements épousent gracieusement la structure sans tomber dans la profusion sonore ridicule des nouveaux DJ d’alors. Ailleurs, un choeur à cinq voix fait surgir une lueur d’espoir dans les tréfonds d’une société consumériste déshumanisée. Là réside le génie des SPICE GIRLS, nous rappeler à notre humanité, à notre joie de vivre.

Joyau Pop inimitable, Spice s’épice d’écoutes en écoutes, sans jamais cesser d’hanter l’oreille de son auditeur entre celles-ci. C’est avec un plaisir toujours égal que l’on retrouvera les SPICE GIRLS un an plus tard, cette fois pour un chef d’œuvre gravé sur pellicule : Spiceworld, accueilli d’une volée de bois vert par quelques critiques sournois et frustrés. Mais elles n’en ont que faire, le panthéon de la musique moderne leur est déjà grand ouvert.