Natif de Montgomery (Alabama), Nathaniel Adam Coles se lance dès ses quatre ans dans l’apprentissage du piano, encouragé par une mère organiste dans l’église baptiste où officie son époux pasteur. Ce prodige devient l’un des initiateurs du Rhythm And Blues, transposant le Swing des grands orchestres en formation réduites privilégiant une connexion entre les accords de piano et ceux d’une guitare.

Au milieu des années 30, il rejoint Eddie, son frère aîné, contrebassiste au sein des Solid Swingers. Profitant d’une tournée en Californie, il se marie et devient l’un des attitrés du Sewanee Club où il officie en compagnie du guitariste Oscar MOORE et du contrebassiste Wesley Prince.
En 1941, devenu Nat KING COLE, il effectue une tournée sur tout le territoire et atterrit chez Capitol, label bien conscient de ses possibilités.
Les succès ne tardent pas à s’amonceler. En 1944, il engrange pas moins de six best-sellers. En 1948, il divorce de sa première femme et convole avec Maria Cole, une ancienne chanteuse dans l’orchestre de Duke ELLINGTON. Sous la houlette de cette nouvelle muse, Cole élargit son répertoire en incorporant à son Jazz de la Pop et de la Variété. Il connaît alors une vague de succès ("Nature Boy", "Mona Lisa", "Unforgettable") qui lui permettent de se produire au Copacabana de New York et dans le giron des casinos de Las Vegas.

Au milieu des fifties, il devient l’un des premiers Afro-Américains à décrocher un show télé avec le Nat King Cole Show programmé sur la NBC. Il apparaît également au générique de plusieurs films et séries télé et fait ses premiers pas à Broadway. Fumeur invétéré, on lui diagnostique un cancer en 1964, pathologie dont il perd son combat en février 65. Poule aux œufs d’or pour la firme Capitol, Nat King COLE a vendu plus de 9 millions d’albums, une manne de 50 millions de dollars pour Capitol.

Si certains journalistes et amateurs de Jazz lui reprochèrent une orientation jugée trop commerciale, COLE allait revenir à ses premières amours en 1956 avec After Midnight, son septième opus studio. Enregistré à Los Angeles lors de quatre sessions (15 aout, 14, 21 et 24 septembre), l’album apparaît en 1957 sous deux formules : un 33-tours classique constitué de 12 pistes et un coffret composé de 4 E.P. Epaulé par le solide triumvirat du guitariste John Collins (ex-Art Tatum, Slam STEWART, Erroll GARNER), du contrebassiste Charlie Harris (ex-Lionel Hampton, Dizzy Gillespie) et du batteur Lee Young (ex-Amos MILBURN, Benny Goodman et frère du saxophoniste Lester Young). Equipiers du pianiste depuis le début des fifties, Harris et Collins instaurent dès le début une cohésion évidente. Le violoniste Stuff Smith (ex-Coleman Hawkins), le tromboniste Juan Tizol (ex-Duke ELLINGTON), le sax Willie Smith (ex-Jimmie Luncerford) et le trompettiste Harry "Sweets" Edison (ex-Count Basie, Oscar PETERSON) prêtent leur concours au gré des morceaux.

La voix douce et la parfaite diction donnent un air de jouvence à "Just You, Just Me", une vieille ballade Jazzy au générique d’un nanar de la MGM. Si le sax de Smith diffuse un soupçon de Bebop, l’entente entre la guitare, le piano et la rythmique frappe les esprits.
Il reprend "Sweet Lorraine", titre enregistré en trio pour Decca en 1941, en en livrant une interprétation plus moderne. Autre titre issu des années 20, "Sometimes I’m Happy" repris par une cohorte de crooners et de chanteuses de Jazz se différencie agréablement par l’entremise du violon de Stuff Smith. Courte reprise du standard "Caravan" composé par Tizol et Duke ELLINGTON. Si le titre a fait le bonheur de plus d’un millier de repreneurs en tout genre, on conseille au passage les essais plus aventureux de Jo Jones, Freddie HUBBARD ou de Kenny BURRELL.
Issu de Broadway, "It’s Only A Paper Moon" s’annonce plus léger, mais la guitare de John Collins permet de reléguer à des années-lumière les reprises de SINATRA ou de Marvin GAYE. Compo de Bobby Troup, "You’re Looking At Me" s’annonce ennuyeuse au possible, raison pour laquelle on la retrouve dans les besaces de Diane KRALL et Stacey Kent.

"The Lonely One" en ouverture de face B propose une ballade mélancolique, le trombone et les congas impulsant une touche d’exotisme. Un titre ennuyeux et future reprise de Gregory Porter.
Seule nouveauté de l’album, "Don’t Let It Go To Your Head" diffuse une excellente connexion entre le sax, la rythmique et la guitare, une version moins guindée que celle du John Pizzarelli Trio.
Excellente version de "I Know That You Know", titre issu du film Hit The Deck (La Fille de l’amiral), le violon et les différents instruments délivrent une farandole pleine d’envie et de vitamines. Autre pioche chez Hollywood avec "When I Grow Too Old To Dream", une ballade dans laquelle le violon prend encore les rennes. Si "Blame It On My Youth" se révèle moins larmoyant ou bouffi que ses reprises par Mabel Mercer ou Frank SINATRA, cela ne suffit pas à captiver l’auditoire. Si le nom du pianiste acteur Bobby Troup reste dans les mémoires, il le doit en partie au succès de "(Get Your Kicks On) Route 66". Enregistré par Nat King Cole Trio dès 1946, le titre bénéficie d’une vivifiante relecture venant booster l’album.

Si certaines ballades se révèlent aujourd’hui un brin trop lentes ou sucrées, After Midnight constitue une excellente échappatoire pour tous ceux qui voudraient découvrir Nat King COLE dans un costume de jazzman. Réédité à maintes reprises avec des bonus.