Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Olier Ar Fresne et la fratrie Mevel ont de la suite dans les idées. Certes, cette dernière est désormais réduite en hommes puisque Gwenaël n'est présent qu'en invité, mais dans BELSHAMA, qui fait suite à KAD, Gurvan et Konan sont rejoints par leur soeur Bleunwenn, un de leurs projets communs où elle est le mieux mise en valeur.

Comme elle (dans une certaine mesure) et Konan poursuivent leur aventure rock celtique avec TRI YANN dès la toute fin des années 90 et que le projet SEVEN REIZH ne va pas tarder non plus à éclore, le groupe de musiciens peut changer son approche musicale avec BELSHAMA et cet unique album, Afro Gaelic Groove Tribe.

L'influence progressive n'est pas totalement absente pour cette oeuvre, elle est distillée autrement à travers l'élaboration des développements musicaux. Ce que les Mevel et Ar Fresne gardent de KAD, ils l'emploient dans des rythmes funk qu'ils colorent ici d'afrobeat et d'électro, sans oublier bien sûr les airs bretons et gaéliques.

Un mélange qui peut sonner trop "world" aux oreilles des sceptiques, mais qui reste bien pensé. Parce qu'il y a les guitares d'Ar Fresne et la basse de Jérôme Le Moullec, l'alchimie instrumentale des frères Mevel, depuis la batterie tribale jusqu'au synthé à vent, parce qu'il y a les voix africaines et la bonne énergie du percussionniste Boniface Dagry ; enfin, parce qu'il y a la voix ô combien agréable de Bleunwenn, révélée au grand public grâce à TRI YANN.

Il est d'ailleurs amusant de retrouver la quasi-totalité de nos chers Nantais en dehors du trio de tête. Seul Gérard Goron manque à l'appel, mais on reconnaît la hargne virtuose de Jean-Luc Chevalier sur "Naïa", Freddy Bourgeois vient jouer une poignée de solos de claviers, et les violonistes ancien et nouveau se succèdent, Loumi Séveno et Christophe Péloil. Le disque est mixé/masterisé au studio Marzelle, et la pochette vient de Gérard Le Dortz, co-fondateur de SEVEN REIZH.

Olier Ar Fresne donne un son chaleureux à ce projet, ce qui manquait aux efforts rock prog l'ayant précédé. La musique, mieux canalisée et moins conceptuelle, se calque sur des bases rythmiques et ou mélodiques répétitives qui laissent place à l'improvisation pour les guitares, les flûtes... C'est fort agréable et l'ensemble d'une durée de quarante minutes s'écoute d'une traite.

Le pont entre l'Afrique et la Celtie se laisse apprécier dès les premières mesures de "Airfalari", grâce à la basse funky et aux chants joyeux. On perçoit déjà ce que Konan Mevel reprendra pour le groupe SKILDA, avec le travail de boucles électroniques et la voix féminine. Bleunwenn nous émeut tout autant sur le morceau le plus doux et gaélique du disque : "Gwenc'hlan" semble guidé par les enchantements du druide, le même qui jadis défendait farouchement les traditions face aux oppressions religieuses et culturelles.

Le final "Ashki" est superbe avec ses synthés exotiques, tandis que Konan Mevel et Jean-Luc Chevalier se mettent à dialoguer. "Naïa" et les développements de "Airfalari" (parties 1 et 2) sont réellement bien faits dans une veine afro-bretonne, tout comme on apprécie "O Ri" et ses penchants reggae, ainsi que "Saaba", une des plus belles prestations vocales. Si on n'y revient pas aussi souvent qu'on le pourrait, BELSHAMA demeure une belle curiosité et une réalisation qui ne l'est pas moins en termes d'autoproduction.