Carlos NUÑEZ n'a jamais été aussi prolifique qu'au moment du passage au nouveau millénaire. Une année seulement après Os Amores Libres, l'artiste publie son troisième album, et il faudra ensuite attendre trois ans avant le suivant (sans compter les compilations).

Mayo Longo est un album plus accessible que les précédents, en cela qu'il a été réalisé davantage comme une œuvre pop, avec presque le sentiment de viser le marché espagnol. Toutefois, rien ne vient signifier que le galicien ait oublié son raffinement ni son goût pour la diversité.

C'est ainsi que nous sommes saisis d'emblée par le caractère glorieux de « Marcha do Entrelazado de Allariz », porté par des tambours en rythme ternaire tandis que la gaïta et les flûtes dédoublées font résonner une mélodie éblouissante, plaçant l'album sous les meilleures auspices dès son ouverture.

Plus loin, d'autres instrumentaux donnent toute sa force à l'opus, en proposant une version condensée de certains élans musicaux mélangeant musiques latines et celtes que l'on trouvait sur Os Amores Libres, avec un son plus rock et lorgnant parfois vers le progressif. « A Moura » et « Foliada des Aires da Terra » sont de ceux-là.

Les danses sont également à l'avenant avec sur un versant résolument traditionnel l'« Alborada Anterga de Pontevedra », où Xurxo Nuñez accompagne au tambour son frère qui joue un modèle de gaïta datant du XIXème siècle. À l'inverse, la jig « Vento d'as Cies » et la country irlandaise de « Pasacorredoiras » sonnent très actuelles et enchanteront plus d'un auditeur !

Mais on parle ici d'un disque de chansons, car pour une bonne partie, Carlos NUÑEZ fait appel à l'actrice et chanteuse portugaise Anabela. Celle-ci interprète magnifiquement des chansons de marins (« Nana de Lluvia ») et des souvenirs emplis de mystère, comme lorsque le gaitero est allé voir le puits (« El pozo ») de Aran en compagnie de Donal Lunny et Sharon Shannon, près de Galway en Irlande.

Ces ritournelles sucrées, proches de la pop-variété espagnole dans leur traitement (sauf qu'on n'en parle pas toujours avec autant d'enthousiasme), trouvent un point culminant sur la ballade « Mayo Longo », dont le texte est un poème de Rosalía De Castro, écrivain femme la plus célèbre de Galice. La langue du pays, ici dans un mode ancien, rappelle à quel point ses origines sont communes avec le portugais, d'où en partie la présence d'Anabela.

Mais si la jeune chanteuse s'illustre parfaitement, on aurait tort d'ignorer les (rares) apparitions masculines, particulièrement celle du regretté Ronnie DREW, des DUBLINERS. Sur « Capitán Nemo », revisitant le passage selon Jules Verne du Nautilus dans la baie de Vigo sur un mode joyeux et dansant, la voix de vieux loup de mer rocailleuse de Drew succède à celle d'Anabela, claire et féérique, de manière pour le moins croustillante.

Quant à l'élégance, on peut remercier Roger HODGSON autant que Carlos NUÑEZ pour ce moment magique qu'est « The Moon Says Hello ». Les deux hommes se sont rencontrés alors que l'ex-chanteur de SUPERTRAMP donnait un concert à Paris, et ce morceau provient de l'une des idées qui ont jailli le soir même... L'ocarina et la voix angélique soufflent comme une brise caressante sur cette ballade nostalgique et merveilleuse.

On constate donc combien la diversité sied une nouvelle fois à l'univers musical du gaitero, toujours aussi bien entouré par ses collaborateurs de Galice, d'Ecosse ou d'Irlande (Sharon Shannon, Ray Fean, Eoghan O'Neill). Dosant les chansons et les instrumentaux avec justesse, Mayo Longo canalise les idées de son prédécesseur pour un rendu encore meilleur.