Triste destin que celui de SIRIMA, fauchée en pleinE ascension dans le monde musical alors qu'elle semblait avoir tant de choses à dire. Après le succès immense de « Là-Bas », ce slow dont elle fait la force sur le plan vocal autant que Jean-Jacques GOLDMAN qui l'a écrite, la jeune femme de 25 ans à peine qui luttait pour son indépendance artistique voulait terminer son album solo, A Part of Me. Ce qui s'est bien produit, en 1989, mais SIRIMA décède quelques jours après la sortie, assassinée par son compagnon.

On se rappelle surtout une voix douce en parlant de l'interprète à l'accent français approximatif, dû à ses origines sri-lankaises et ses habitudes anglaises. A Part of Me montre qu'elle n'était pas que cela, et méritait mieux que de rester à jamais la voix féminine de "Là-Bas". En dix chansons, SIRIMA révèle une autre "part d'elle", bien aidée par son ami Philippe Delettrez, le musicien et producteur qui l'a découverte dans le métro parisien et présentée à Jean-Jacques GOLDMAN. Ne participant qu'aux choeurs sur le plan instrumental, Delettrez, pourtant saxophoniste également, laisse cette fonction à Michel Gaucher.

C'est que non seulement les chansons sont bonnes, mais en plus il y a du beau monde sur ce disque ! Enregistré au studio Davout à Paris et paru chez CBS, l'ensemble proposé est entièrement en anglais, ce qui peut aisément rebuter le public français mais aurait étendu le succès de SIRIMA outre-Manche. En revanche, les musiciens, c'est de la variété en or 24 carats des années 70-80-90 bien de chez nous : Yves Sanna, Jean-Yves d'Angelo, Michel Gaucher, Jean-Jacques Milteau, Marc Chantereau, mais aussi Maurice Vander le pianiste de jazz et papa du déluré Christian, enfin Manu Katché et le grand copain de ce dernier (pas frenchie mais tant pis), Pino Palladino.

Les ambiances proposées naviguent entre la pop soft de fin des années 80, des influences folk et latino et aussi, taillée sur mesure pour la voix de SIRIMA, des ballades de chanteuses américaines, de Carole KING à Barbara STREISAND mais sans jamais faire dans la surenchère. La jeune femme retire un peu de sa fragilité notoire pour plus de caractère, notamment sur les titres latino, et c'est très beau, qu'elle se dédouble en choeurs ou non. Le cha-cha de "No Reason, No Rhyme" et le jazz torride de "Daddy", garni de cuivres et de solos d'harmonica, lui vont à merveille.

Elle joue la plupart des guitares, essentiellement acoustiques, ce qui donne de très beaux moments intimes avec la chanson-titre "A Part of Me", "Sometimes Love Isn't Enough"... Et sur "I Need to Know", devinez qui vient faire la voix masculine, reconnaissable entre mille ? GOLDMAN en personne, non crédité sur la pochette et mis au même rang que les autres musiciens. On adore cette discrétion et cette autre approche de son chant ! Un peu moins amateur du disco-funk de "Kym", mais cela reste très musical, les instrumentistes ont de l'espace, tout comme sur la ballade finale "Was It a Dream?" avec ses envolées de cordes et ses solos de saxophone épiques. Delettrez et SIRIMA ont vraiment fait de leur mieux.

Le problème, c'est qu'avec le recul, un certain nombre d'éléments peuvent mettre mal à l'aise. Dans ses chansons, mis à part "Daddy" où elle tend à se rapprocher de son père guitariste qui lui a donné le goût de la musique, SIRIMA s'adresse beaucoup à l'autre six-cordiste de sa vie, son compagnon, qui d'ailleurs figure parmi les musiciens. Dès la première chanson, elle dit (traduction personnelle) : "Je calmerais tes eaux troublées jusqu'à ce que ma force s'épuise, pourquoi mon amour ne peut-il te suffire ?". Plus loin : "Pourquoi certains hommes commettent-ils des crimes ?", "Au creux de tes bras, je me sens si protégée... Pour toi, je trouverai la clé..."

À travers les déclarations passionnées de la jeune femme? se dessinent sa fin tragique et imminente. Si l'on peut en faire abstraction, la qualité de l'opus est évidente. Cet unique album de SIRIMA, qui fait mieux qu'accompagner le tube l'ayant révélée, laisse derrière lui le talent d'une voix et d'une auteure-compositrice douée, des mélodies et des arrangements de toute beauté.