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Musique moderne  |  OEUVRE

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1936 Carmina Burana

Carl ORFF - Carmina Burana (1936)
Par MR. AMEFORGÉE le 22 Juillet 2006          Consultée 10005 fois

Pour la postérité, le nom de Carl Orff est irrémédiablement associé à celui de Carmina Burana, première cantate scénique de la trilogie des Triomphi, écrite en 1936, louée du grand public pour sa puissance dramatique et qui, de fait, a particulièrement influencé les compositeurs de musique de films amateurs de grandiloquence ébouriffante (l’exemple qui me vient d’emblée en tête étant la B.O. du Dracula de Coppola).
A l’origine, les « carmina burana » ou « chants de Beuren » sont un ensemble de poèmes datant du XIIIème siècle, pas spécialement portés sur le sacré, puisque l’on y trouve des chants à boire et des textes grivois (miam). Orff s’appuie ici sur un petit nombre de textes (une vingtaine), mis en musique, en une sorte de célébration païenne emphatique qui laisse une part de choix aux choeurs. Une simplicité et un certain conventionnalisme dans la composition orchestrale ont d’ailleurs valu à Orff (et lui valent toujours, d’ailleurs) le mépris des doctes éminences de musique classique. A défaut, le succès sera populaire, Carmina Burana sera d’abord fortement appréciée chez les nazis (au même titre que le Ring d’un Wagner ou que la Neuvième d’un Beethoven), et puis, malgré cette tache sulfureuse, après la guerre, continuera à voir sa popularité s’accroître.

Cela dit, pour la postérité, le nom de Carmina Burana est aussi irrémédiablement associé à celui de « O Fortuna », le tonitruant morceau qui ouvre et clôt l’oeuvre et qui en est le principal argument marketing : tout le monde connaît cet air. Par pure méchanceté envers le lecteur qui souhaiterait de la concision, je vais développer un peu : utilisé au cinéma pour l’Excalibur de John Boorman, inspirateur d’autres B.O., de celle de Jerry Goldsmith pour le film La Malédiction de Richard Donner, à celle d’Eric Serra pour la Jeanne d’Arc de Besson en passant par celle de Kenji Kawaï pour l’Avalon de Mamoru Oshii, et plus généralement des B.O. à choeur épique, employé aussi en illustration sonore de diverses pubs (bière, après-rasage, préservatifs au parfum kiwi...), inspirant des groupes aussi divers que le new-age Era ou que les metalleux de Therion ou d’Iced Earth, sans parler de Nobuo Uematsu pour son fameux « One-Winged-Angel » du jeu vidéo Final Fantasy VII, j’en passe et sans doute des meilleurs, « O Fortuna » a connu une fortune assez considérable, c’est le moins que l’on puisse dire !
La force d’un tel morceau réside dans la mise en tension savamment exploitée : une explosion chorale en ouverture, puis une longue période « tranquille », qui nourrit de manière souterraine la puissance dramatique, choeur murmuré et arrangements de cordes alertes avec un soupçon de cuivres, allant crescendo, à la manière du calme avant la tempête, et une explosion libératrice sur la fin, qui casse la baraque et délivre dans l’atmosphère un flot orgasmique de testostérone. Même avec le cynisme le plus affûté, il est difficile d’y résister.

Pourtant, cette tarte à la crème ne dure que quelques minutes pour une oeuvre qui avoisine l’heure. Aucun autre passage ne parviendra à égaler cette claque d’ouverture et tout l’enjeu consistera à en apprécier les parties les moins évidentes. Disons-le d’emblée, la suite est loin d’être aussi musclée que ne pourrait le présager le chant de la Fortune et le néophyte risque bien d’être déçu par certaines longueurs. Longueurs qui peuvent s’apprivoiser et finir par s’apprécier malgré tout. Par exemple, les parties Primo Vere et Auf den Anger, hormis quelques exceptions, sont pénétrées de sérénité célébrant les joies du printemps et des torpeurs bucoliques.
Il faudra attendre la partie In Taberna (à la taverne), qui fait la part belle au chant viril, en solo ou en choeur, pour retrouver un peu de vigueur. Le tour de chant soliste y est d’ailleurs très intéressant et « Estuans interius », l’éthylique déprimé « Olim lacus colueram » et « In taberna quando sumus », hymne à la bibine comme remède existentiel, dont le début fait beaucoup penser à un thème du Dracula de Coppola et qui part ensuite génialement en vrille humoristique, comptent toute mon appréciation.
Les Cours d’Amours quant à eux mettent plutôt à l’honneur les voix féminines et les vertus de l’amour sensuel (éloignez les enfants de l’écran). Le calme langoureux est de mise et l’on appréciera des pièces délicates comme « Amor volat undique » ou bien « In trutina mentis dubia » qui possède un petit quelque chose charmeur qui rappelle le fameux « Casta Diva » de Bellini. Les choeurs de deux sexes se retrouvent pour le plaisir sur « Circa ma pectora » et « Tempus est iocundum », servis par quelques orchestrations impétueuses qui lentement nous préparent à la conclusion de l’oeuvre et au retour pétaradant de « O Fortuna ».
Certains passages sont assez durs à encaisser malgré tout, comme la « Tanz » qui ouvre la partie Auf dem Anger, fringante ballade champêtre et pompière au possible, singulièrement gavante (beurk ces percussions), ou bien « Ego sum abbas » dans la partie In Taberna, avec son tintamarre de grosse caisse aussi vif que soudain et qui en ferait même blêmir un irréductible fan de tuning.

Alors voilà. Pour sa réputation, Carmina Burana est une oeuvre de référence, certes controversée. Dans les faits, elle accuse quelques temps morts et quelques effets de style pompeux qui font grimacer. Mais les parties orchestrales, qui savent tisser des ambiances dramatiques, et les interventions vocales atteignent parfois quelques instants de grâce. Le propos est ambitieux, celui de l’existence et la difficulté qu’ont les hommes à frayer avec les coups du sort. Ils leur restent alors la boisson et le sexe pour oublier les vicissitudes terrestres. L’usage de textes du Moyen Age rapportés à notre ère moderne montre que le propos est encore d’actualité et qu’il le sera sans doute pour les siècles des siècles.
L’interprétation écoutée ici date de 1980 et comportent Barbara Hendricks, John Aler et Haakan Hagegaard parmi les têtes de gondole chantantes (de nombreuses fois rééditée, à petit prix et avec un changement de pochette toujours de plus en plus moche). L’ensemble est tout à fait honnête, et les parties solistes font partie des moments les plus solides.
En conclusion, il est difficile d’adhérer unanimement aux Carmina Burana, mais malgré tout ça défoule son pépé et c’est déjà pas mal. On ne peut donc que recommander l’écoute de cette célébrissime oeuvre du XXième siècle. O Fortuna !

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   MR. AMEFORGÉE

 
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- Barbara Hendricks (soprano)
- John Aler (tenor)
- Haakan Hagegaard (baryton)
- Eduardo Mata (chef d'orchestre)
- London Symphony Orchestra Et Choeurs


- fortuna Imperatrix Mundi
1. O Fortuna
2. Fortune Plango Vulnera
- primo Vere
3. Veris Leta Facies
4. Omnia Sol Temperat
5. Ecce Gratum
- auf Dem Anger
6. Tanz
7. Floret Silva Nibilis
8. Chramer, Gip Die Varwe Mir
9. Reie - Swaz Hie Gat Umbe
10. Were Die Werlt Alle Min
- in Taberna
11. Estuans Interius
12. Olim Lacus Colueram
13. Ego Sum Abbas
14. In Taberna Quando Sumus
- cours D'amours
15. Amor Volat Undique
16. Dies, Nox Et Omnia
17. Stetit Puella
18. Circa Mea Pectora
19. Si Puer Cum Puellula
20. Veni, Veni, Venias
21. In Trutina Mentis Dubia
22. Tempus Est Iocundum
23. Dulcissime
- blanziflor Et Helena
24. Ave Formosissima
25. O Fortuna



             



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