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MUSIQUE ROMANTIQUE  |  OEUVRE

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Ludwig Van BEETHOVEN - Symphonie N°9 Choral (1824)
Par MR. AMEFORGÉE le 11 Janvier 2008          Consultée 8661 fois

1824 ! Beethoven achève sa dernière symphonie, douze ans après la Huitième, quelques trois ans avant que la sinistre Faucheuse ne l’emporte. Il s’agit tout simplement de l’un de ses plus grands chefs d’œuvre, à côté peut-être de l’ébouriffante Missa Solemnis.
En opérant la transition de la musique classique à la musique romantique, Beethoven a, entre autre, donné ses lettres de noblesse à la forme symphonique, qui devient alors le genre le plus illustre, mais aussi le plus difficile auquel un compositeur puisse se confronter (Schubert, peu de temps après, enfoncera définitivement le clou avec ses huitième et neuvième symphonies, ce qui fera d’ailleurs le malheur d’un Brahms, et puis même carrément un Mahler) ; la durée générale des œuvres augmente, les matières orchestrales deviennent plus importantes et la recherche de l’innovation se fait plus pointue. Si le génie du musicien est acquis et si l’on doit reconnaître qu’il affiche déjà à son tableau de chasse nombre de symphonies indispensables, la Neuvième sera le couronnement de l’ensemble.

La symphonie tient sa mention de « Choral » au chœur qui lui est attaché dans le quatrième mouvement et qui s’avère être une innovation dans la forme. Beethoven avait commencé à travailler sur l’oeuvre vers 1817, même si l’idée d’adapter le poème de Schiller intitulé « l’Ode à la Joie », appel à la fraternité entre les humains, lui tenait à cœur depuis longtemps, au moins depuis 1793 ; la conclusion de la symphonie prévue initialement devait être instrumentale, mais en 1822, Beethoven se trouve particulièrement inspiré en songeant à son projet de jeunesse. Tout le monde connaît l’Hymne à la Joie, qui sera choisi, bien des années plus tard, comme hymne de l’Europe, et qui fera le bonheur des petits et des grands, des gentils et des méchants, de Hans Gruber à Alex DeLarge parmi tant d’autres.

On ne nous contredira sans doute pas, chez Beethoven, tout tend à l’inflation, jusqu’à atteindre un paroxysme ici même, pour une bonne heure de musique pleine de tumulte et de grands brasiers, parfois tamisés mais jamais longtemps contenus. Si on devait la situer par rapport aux précédentes, on dirait que la Neuvième se rapproche plus de la Cinquième, et peut-être, dans une moindre mesure, de la Septième, pour le ton très dramatique employé, typiquement beethovenien, où la masse orchestrale oscille entre gravité, souffle grandiose joyeux ou enténébré, et moments de délicatesse apaisés, même si tout prend ici une ampleur jusque là inouïe.
Et puis allez, adoptons un ton plus appréciatif : le rapport proportions/qualité est absolument imbattable. Sur quatre mouvements, trois sont devenus des classiques ultimes. Le troisième mouvement, plus lent et calme, a forcément moins marqué les esprits, ce qui ne lui retire pourtant rien. Dans ces conditions, même la Cinquième avec son théâtral « pompompompom » ne peut pas lutter.

Il n’est pas nécessaire d’être un mélomane émérite pour se laisser séduire. C’est un peu comme faire un tour dans des montagnes russes, Beethoven joue de ses thèmes avec un sens aiguisé des dynamiques et des contrastes, en tissant de prodigieuses lignes de tension qu’il articule à d’élégantes lignes de relâchements. Le premier mouvement l’illustre à merveille, « Allegro mais pas trop, mais un peu majestueux » (excusez du peu), avec cette saisissante entrée en matière, qui débute, angoissée, presque dans le silence, pour se muer en irrésistible rugissement symphonique, et son développement qui alterne entre instants poignants et moments plus enjoués, d’un raffinement presque mozartien.
Le second mouvement est un scherzo qui n’a pourtant rien d’une plaisanterie, forme d’ordinaire placé en troisième place dans les symphonies, et qui perpétue les tribulations ascensionnelles initiées auparavant, fougueuses et alertes : où l’on a l’impression de danser dans d’impressionnantes bourrasques de vent, en chute libre puis comme porté vers les hauteurs par un flux volubile et allègre.
L’Adagio paraîtra peut-être un peu moins marquant à une oreille béotienne, mais c’est qu’il permet surtout de se remettre de ses émotions. Paisible paysage nocturne, il s’y dessine un sinueux chemin mélodique, délicat et élégiaque. Très mesuré par rapport à ses deux prédécesseurs, il se voit toutefois marqué, très ponctuellement par des pointes en fanfare, qui ravivent le ton dramatique et les frissons de délice corrélatifs.
Et puis enfin, il y a le « Finale », monumental, qui dure près de vingt-cinq minutes. C’est un voyage à lui tout seul (pèlerinage en montagne, bien sûr), parfaitement construit, cohérent et mis en scène. Le rideau s’ouvre sur une touffeur orchestrale dissonante, impérieuse, qui est aussitôt suivie par des mesures sobres et solennelles de cordes ; peu après, on reconnaîtra les thèmes des premiers mouvements qui passent comme des spectres, de manière fugitive. Puis une fois bien en route, le thème de l’Hymne à la Joie tel un horizon vers lequel on irait, s’esquisse, paisiblement d’abord, avec l’orchestre en petit effectif, puis amplifié, transformé, dans un effet de crescendo lyrique qui en devient épique. La première manifestation vocale survient alors, tempérant la partie précédente, tout en réinitiant lentement la montée en puissance : ah ! le chant soliste du ténor, ah ! le chœur qui survient peu après. C’est une forme de liturgie profane à laquelle on assiste. Les différentes voix sont exploitées dans un entrelacement subtil. Il faudra encore traverser une clairière à la tonalité joviale avant d’éprouver l’interprétation collective de l’Hymne, qui atteint alors les cimes du grandiose. La suite reste de la même étoffe, peinte des couleurs de la solennité, avant une reprise du thème en fugue, comme s’il s’agissait d’une constellation sonore, qui se fragmente, pleut en myriade, illumine la nuit. La coda vient parapher la symphonie dans la joie et l’emphase.
Il est bien évidemment difficile de résumer l’ensemble en quelques phrases, et ce n’est pas un carquois d’images surréalistes qui rendront compte de toute la richesse que recèle l’œuvre ; que l’on retienne surtout le sens de la théâtralisation que développe Beethoven et cette respiration grandiose qui le porte. Le travail harmonique et mélodique se complètent à merveille, et ainsi exaltent l’imagination : c’est peut-être cela qui rend la symphonie à la fois exigeante et éminemment accessible.

On laissera le soin aux exégètes de recenser les versions de référence de la Neuvième, mais l’on évoquera tout de même les trois interprétations qui ont servi de base à la chronique. Chacune possède sa valeur et fait montre de qualités que n’ont pas forcément les autres. On compte donc la version de Karajan de 1977, celle d’Otto Klemperer jouée en 1957 par le Philharmonia Orchestra et enfin celle d’Harnoncourt, enregistrée en 1991, avec l’Orchestre de chambre d’Europe (toutes trois faciles à trouver et s’intégrant dans des intégrales symphoniques).
Parmi les points marquants de la version proposée par Karajan, on évoquera le second mouvement, joué de manière particulièrement vive (dix minutes environ), et qui emporte l’auditeur dans un tumulte sans retenue ; à l’inverse, le troisième mouvement, qui dure seize minutes, peut paraître interprété de façon un peu trop « à l’aise », au risque de susciter quelque impatience. Concernant Klemperer, celui-ci est un maître dans l’art d’exploiter les tempos lents (peu marqués sur cette symphonie cependant) et de galvaniser ainsi les troupes en une masse grandiose : c’est ce qui rend le premier mouvement absolument délectable, avec cette houle à l’ouverture qui emporte tout sur son passage, et qui, en revanche, nuit un peu au déroulement du second mouvement. La version d’Harnoncourt, quant à elle, marque par son équilibre, et par le fait que l’effectif (plutôt) modeste de l’orchestre permet de mettre en lumière certaines couleurs instrumentales que l’on ne perçoit pas forcément dans les autres interprétations, plus imposantes.

La difficulté, lorsqu’il s’agit d’évoquer la Neuvième et dernière Symphonie de Beethoven (on a bien les ébauches d’une Dixième, certes), ce n’est pas tant de trouver quoi écrire mais plutôt de savoir se montrer concis. J’aurais pu, cher Lecteur, écrire au moins trois chroniques dans trois styles différents sans parvenir à épuiser la matière à commenter. On sera modeste pour une fois : la Neuvième est essentielle, c’est bien tout ce qu’il y a à savoir à son sujet. Plus haute que les astres, elle demeure.

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- Orchestre Philharmonique De Berlin
- Herbert Von Karajan (chef d'orchestre)


1. Allegro Non Troppo, Un Poco Maestoso
2. Molto Vivace
3. Adagio Molto E Cantabile
4. Finale



             



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