Ah le « shoegazzing », on est dans les plate formes de l’ami Seijitsu, là… En ce qui me concerne, j’ai toujours vu dans ce mouvement des hauts et des bas. Des sensations vertigineuses (je viens de voir les SLOWDIVE en concert, cette chronique se fait encore un peu à chaud donc…). Par contre certains disques étaient ennuyeux au possible (MY BLOODY VALENTINE m’a toujours fait décrocher la mâchoire, même si je les ai vu, forcément défoncé, à l'époque !). Allez, en étant honnête, TELESCOPES pour leur coté bruitiste, les LOOP pour leur cru « stoogien », les SPACEMEN 3 pour celui plus « velvetien », RIDE pour le courant « madchesterien », COCTEAU TWINS pour la facette « cherche la petite fée » dans l’arbre qui plait tant à l’aigle blanc, il y a en a eu des pépites c’est sur… Quand tous ces groupes sont arrivés (fin de ces eighties décidément passionnantes avec le recul), j’y observais, à travers l’épais brouillard sonique, des références explicites et finalement une certaine originalité dans les compositions, un prolongement du krautrock et du psychédélisme minimaliste des sixties.

On rappellera rapidement que le genre se caractérise par le fait que les membres de ces groupes dans la lune (au sens propre comme au sens figuré) trituraient leurs pédales d’effet des grattes en regardant leurs pieds, d’où l’expression…
Et les JESUS AND MARY CHAIN furent ceux qui allumèrent la mèche… Nos Écossais au début des années 80 avaient alors l’ambition d’« Écrire des chansons des SHANGRIS LAS avec le son de EINSTURBATEN NEUBATEN". Sur le papier, la chose avait de quoi exciter.Quand ils sont arrivés, ils détonnaient en effet parmi les formations synth pop qui plombaient alors la new wave avec leurs larsens, leur noise rock improbable (ce qui à l’époque nous interpella évidemment), mais aussi avec des chansons à la BEACH BOYS en même temps que cet évident lien avec le surf et les travaux de SUICIDE. Le résultat ? Le prodigieux « psychocandy » qui a, avouons le, déclenché une révolution culturelle à lui tout seul.
Quasiment plus de trente ans après, on en est où ? Le petit dernier « Damage and joy » succède à l’efficace « Munki » qui mérite d’être réhabilité datant déjà de 19 ans au bas mot.

Bon, la pochette ne donne guère envie mais on se lance quand même, oh c’est JESUS quand même !
En plus, à la production, un certain Martin Glover alias Youth de KILLING JOKE. Alors là, on sourit vicieusement… Mais ne vous attendez pas à des envolées tribales/métal/indus…
Le dernier opus des désormais quasi sexagénaires s’avère être plutôt correct.
Tout ce qui caractérise JMC se retrouve : des intros ultra « shoegaze » (« Amputation »), les vocaux geignards de Jim Reid, des accords velvetiens (ceux de « War on peace » rappelant « Ocean » de la bande à LOU REED), des ballades mélancoliques (le superbe « Los feliz »), des refrains psychédéliques (« Can’t stop the rock »), de l’ossature stoogienne (« Facing up to the facts »)…
La marque des frérots, c’est aussi l’intervention de voix féminines (il y a quelques années on se souvient de la pulpeuse Scarlet Johansson jammant avec eux). Ici, Isobel Campbell (qui a collaboré avec l’énorme MARK LANEGAN), Linda Fox et Sky Ferreira viennent pousser la chansonnette, excitées de jouer les NICO anglaises…
Le disque possède ses merveilles : « Amputation », « Simian split » et l’utilisation judicieuse d’un saxo , « get on home » très « space pop » dans un axe SUICIDE/SILVER APPLES…
Mais aussi il a ses faiblesses : le banal « All things pass », des chansons pop passe-partout comme « the Two of us »…
Dans tous les cas de figure, il devrait rassurer les anciens fans traumatisés par « Darkland »… Mais bien sur on est quand même loin de l’urgence primitive des tout débuts. Après avoir écouté l’œuvre, on regarde le ciel, il fait un temps caniculaire. Merde, il ne pleut pas et on est bizarrement tout triste…