Corrigez-moi si je me trompe, mais j'ai l'impression que le folk, dans sa forme la plus pure cela s'entend (une guitare, une voix) en appelle autant à nos réflexes les plus enfantins qu'à notre esprit d'homme (ou femme) mûr. Il y a dans ce genre une simplicité immédiate, et de surface, qui permet d'en saisir la beauté dans toute sa pureté. Et puis, la richesse des mélodies, tout comme celle des textes et de leur sens, offre généralement aux morceaux une dimension supérieure, une certaine durabilité, et une profondeur qui ne cesse d'augmenter au fil des écoutes. A mesure que l'on prend de l'âge, le bon folk vieillit avec nous et reste notre compagnon fidèle.

Saoirse MHOR pratique ce "bon" folk, celui qui, une fois découvert, est amené à durer et à trouver une bonne place dans notre discothèque. Le chanteur, par ailleurs leader du groupe FLEADH, en est cette année à sa troisième réalisation. Trois albums constitués donc d'un folk "pur", constitué essentiellement de sa voix et d'une guitare. Ci et là, un violon et une voix féminine viennent apporter une richesse supplémentaire à l'ensemble. Mais à la manière d'un BARDIC ou d'un Christy MOORE, l'artiste n'a pas besoin d'artifices pour construire une musique variée et porteuse de sens. Pour constituer son album, l'artiste a réenregistrer certains morceaux déjà présents sur les deux précédents albums de FLEADH, mais qu'importe. Homogène, Ghosts of Tomorrow devient, sans forcer, ce compagnon folk qui s'invite dans notre vie et semble bien décider à la mettre en musique.

Empreinte d'une mélancolie toute celtique, la musique de Saoirse MHOR se fait contemplative, évoquant des lieux apaisants pour son créateur ("Fanore"), ou plus concernée, traitant d'événements historiques (l'excellent "The Cleggan Bay Disaster", qui évoque la catastrophe de Cleggan Bay, une tempête violente qui battit les côtes du Connemara en 1927 et prit la vie de très nombreux marins-pêcheurs) ou se faisant satire sociale ("Sleeping and Working", "Hill of Plenty"). La voix chaude de Saoirse donne vie à ces contes modernes, tandis que guitare et violon leur apportent un habillage mélodique de très grande qualité.

La lancinance qui caractérise plusieurs de ces titres ("White Birds") renforce un peu plus la mélancolie sous-jacente. Ghosts of Tomorrow n'est pas un album triste mais un album qui transpire l'authenticité, et se fait le reflet d'une existence multi-facettes. Il y a du Christy MOORE, comme nous l'avons déjà dit, mais aussi du Dougie MACLEAN. Un air l'Irlande apporté par le violon et certains textes évoquant le départ. Le tout, finalement, constitue une intemporelle tranche de vie, et un album folk à la fois traditionnel et moderne, riche de morceaux aux mélodies inspirées et savoureuses. Riche d'une longue expérience Saoirse MHOR se fait délectable sur ces 11 titres savoureux. Une sortie confidentielle pour un album dont la confidentialité en fait la richesse.