Ca partait bien, pourtant. D’un bon sentiment, et avec les bonnes personnes. Certes, lors de son précédent album solo, Jim Matheos avait chié dans la colle, un truc inécoutable 100% drones et essais sonores gratuits et ennuyeux. Mais au moins avait-il affirmé ce qu’on sentait dans FATES WARNING depuis les tout débuts, à savoir qu'il pouvait explorer son côté obscur, ses affinités post-rock. Le gars en a déjà tâté du bout des doigts, il a compris comment ça fonctionnait ("suffit de brancher vingt pédales d’effet bout à bout et de se taper une danse de Saint-Guy", peu ou prou), et surtout il s’est bien entouré : le batteur de GOD IS AN ASTRONAUT (donc une sommité crédible dans le genre), une chanteuse à la voix diaphane, et pour l’aider un peu, quelques interventions de son vieux pote Keviiiiiiiiiiin MOORE. De quoi faire naître les rêves les plus moîtes pour le fan de DISCONNECTED.

Alors, on met l’album, on ferme les yeux, on ouvre les esgourdes et on déchante très vite. L’album démarre sur un son.... désagréable. Juste très désagréable. Alors oui, c’est fait exprès, et bien fait d'ailleurs ; le hic, c’est que c’est typique de l’effet qu’on se fabrique en home studio pour déconner, qui fait rire, qu’on triture à satiété, mais qu’on N’UTILISE PAS dans un disque commercial parce que c’est original, c’est marrant, c’est futuriste, c’est chiadé, mais c’est dé-sa-gré-able. Ca donne une très mauvaise première impression d’une compo qui de toutes façons ne décolle jamais. On note très vite que la batterie se laisse suivre : pas lourde, mais bien présente tout du long. ZONDEResque, pour être franc (l’oiseau ne tombe jamais bien loin du nid. Il crève quand même, mais plus près).

Et heureusement qu’elle est là, cette batterie, car le reste, pour la majeure partie du disque, ça ne vole pas haut : pour résumer, un empilement de couches de guitares ; certes parfois maîtrisé, mais qui reste terriblement terre à terre. Et surtout, fainéant. Ou laborieux, si vous préférez. Régulièrement, le chant féminin vient donner le change, ainsi qu’un autre élément plus embêtant : les grosses guitares. Parfois, elles ne riment à rien ("Dyatlov Pass"), parfois elle mériteraient un traitement plus long dans... un FATES WARNING (le même "Dyatlov", mais seconde partie), et on a l’impression que Matheos force sa nature. Il y a du bon (le final éthéré de "Westerlies", le solo de slide de "Drift"), mais c’est globalement creux. Et le pire, c’est Kevin Moore. Il n’est pas là. Les titres où il apparaît, c’est le désert de Gobi.

Alors, tout serait donc à jeter ? Pas tout à fait : si de toutes les façons quelques parties de titres sont quand même agréables, et que le tout est bien exécuté, il y a UN titre où l’on entend Kevin Moore, ses sons, son style, et sa qualité d’écriture : c’est "Roger, Gordo". Là, on dirait tout à fait du O.S.I. grand cru : ambiant, drônatique, barré, expérimental, sombre, tout est réuni. Gag : sur ce titre, officiellement, Kevin... ne joue pas. Alors c’est rigolo, parce que ça prouve que Matheos est capable du meilleur sans l’aide de personne. Et c’est pas drôle, parce qu’on aurait aimé un album entier de cette trempe. Certains d’entre vous passeront peut-être une très agréable soirée en compagnie de ces titres aériens, parfois rien que pour la batterie aérienne ; pour ma part, je sais que Jim et ses amis sont capables de plus profond, de plus fort. Ils l'ont fait voilà déjà 17 ans.