Prospecter le krautrock est une tâche ardue, menant à un véritable travail d'archéologue. On a vite fait de se constituer une discothèque remplie de CAN, AMON DUUL II et autres FAUST, mais comme pour tout genre qui se respecte, on a toujours envie d'aller plus loin. Et logiquement, on fouille dans tout ce qui a pu sortir à la grande époque. Et vas-y que je te trouve telle ou telle pépite oubliée, tel disque publié à très peu d'exemplaires mais qui mérite d'être connu... c'est d'ailleurs basiquement le travail de certaines maisons de disques, Garden of Delights en tête, bien sûr [1]. Et parfois, il faut guetter des albums de groupes qui ont enregistré album sur album dans les années 70, mais qui n'ont pu être édités que deux voire trois décennies plus tard.

C'est le cas de LIVE. Ou presque. Le groupe s'est formé en 1971 à Gevelsberg, et dirigé notamment par le claviériste-flutiste Norbert Aufmhof. Pour faire simple, c'est un énième maitre de l'orgue Hammond, descendant illégitime de Keith Emerson comme a pu l'être le leader de TRIKOLON. Autour de lui se sont greffés de nombreux musiciens, qui allaient, partaient, parfois enregistraient avec Aufmhof... Live s'est fait une réputation sur scène, en tournant notamment avec ATLANTIS et KRAAN, mais côté disques, à part un single en 1974, le groupe n'a rien produit de son vivant, et la trop grand instabilité du groupe l'a mené à sa dissolution en 1976. Donc plus rien pendant un long moment, jusqu'à ce que Gerd Klein ne sorte de manière indépendante l'album auquel il a participé en 1995.

Live, donc, c'était du krautrock à orgue Hammond. Et ce n'est pas rien de le dire, puisqu'on entend presque que ça. Bon, il y a aussi une flute qui s'impose de temps à autre, mais globalement, la section rythmique ne sert qu'à rythmer comme son nom l'indique, sans faire de fioritures ni s'imposer – bien que le son de basse soit ample. Quant à la guitare, il lui arrive certes de s'imposer ("Dreaming"), mais sa discrétion est limite alarmante. Ceci étant, sans être une pépite absolument inoubliable, Live est un album studio qui permet d'apprécier toute la virtuosité de Norbert Aufmhof, qui ne se fait pas prier pour donner le meilleur de son art. Les digressions instrumentales, certainement symptomatiques des concerts, partent très loin et durent longtemps (pour info, aucun morceau ici ne passe sous la barre des 5 minutes), mais parviennent à être variées et assez intéressantes pour empêcher de jeter un coup d'oeil sur sa montre. Quand on mise autant sur la virtuosité, arriver à ce stade signifie la plupart du temps qu'on a réussi son objectif.

Live n'est pas seulement un groupe instrumental à orgue, il est également capable d'écrire des passages chantés, plus pop. Bon, sans surprise, le bassiste Gerd Schmidt, qui se charge des parties vocales, n'est pas ce qu'on pourrait appeler un crack. Non, il est dans la moyenne krautrock, à savoir un chanteur relativement médiocre mais convaincu. Fatalement, les performances sont inégales : "Land of the Blind" alterne donc passages instrumentaux (particulièrement jouissifs, au passage) et parties chantées relativement prenantes, tandis qu'ailleurs "Carol" constitue le passage chiant de l'album, tant il est plat et convenu pour de la pop. Dans l'ensemble, ça reste néanmoins correct, donc.

On le comprendra rapidement : Live (le groupe) n'est pas une pépite oubliée, mais reste malgré cela un groupe qui aurait mérité une sortie contemporaine. Quoique... en 1974, le krautrock à orgue commençait quand même déjà à se faire vieux, la majorité des groupes se tournant vers plus de variétés et d'innovations – et je ne parle pas des têtes de gondole. Cette sortie tardive serait-elle donc un mal pour un bien ? Possible que oui.

Note réelle : 3,5/5

[1] : Notons justement que Garden of Delights a réédité en 2006 le premier album de Live, avec en bonus un extrait live (ha ha) plus ancien et d'honnête facture