Comment résumer le concept des MINIKEUMS en quelques mots ? Impossible, quand cela concerne des milliers, millions d'images, d'émotions et de secondes volées avec justesse sur quelques années. Entre 1993 et 1997, l'époque de l'école primaire pour certains, à partir du CE1 et quand les souvenirs commencent à s'ancrer pour de bon dans la mémoire qui se forme, jusqu'au départ pour le collège. Entre 7 heures et 8 heures du matin, parce que l'école commence à 8h30. À la rentrée, pendant l'hiver et avant les vacances d'été, l'émission des MINIKEUMS diffusée sur France 3, en fin d'après-midi également, marque l'enfance et fait un bien fou. Fou, c'est le mot !

Un simple théâtre de marionnettes, Guignols version moderne avec des sketches, des parodies et des chansons, alterné avec la diffusion de dessins animés français ou japonais - concurrence au Club Dorothée (TF1) -, adaptés de la littérature/bande dessinée et souvent fort bien choisis : Lady Oscar, Tom Sawyer/Huckleberry Finn, Babar, Batman, Blanche-Neige, Michel Strogoff, Molierissimo, Les Trois Mousquetaires, Il Etait une Fois la Vie/les Découvreurs, Widget, Razmoket, Tortues Ninja, Ulysse 31 et j'en passe... Au collège, après, on suit moins les gags, on sélectionne les dessins animés qu'on regarde. L'émission est reformée, relancée régulièrement, mais l'esprit reste le même.

Et la spécificité, ce sont donc les marionnettes. Mis à part Diva qui est une effigie de la représentante jeunesse de France 3, les MINIKEUMS sont de grandes figures médiatiques avec de nouveaux noms : Nagui (Nag), MC Solaar (M'sé), Johnny Hallyday (Jojo), Vanessa Paradis (Vaness) et surtout Antoine de Caunes (Coco), le plus exubérant et rigolo de tous, sont présents dès les débuts au printemps 1993 ; durant l'été arrivent Josiane Balasko (Josy), Bernard Pivot (Bernard) et la chanteuse Elsa (Zaza). Le ton est festif, tendre aussi mais avant tout fait pour des enfants, avec une grosse dose d'humour qui vascille entre le léger et le purement débile.

Mis à part Laurent "Lolo" Almosnino qui s'occupe de la voix d'M'sé, les voix sont toutes l'affaire d'un homme et d'une femme, humoristes qui font leurs premiers pas en doublant les marionnettes rattachées à leur sexe respectif : Lucile Gaut pour les filles et pour les garçons, Gérald Dahan. Comme les personnages chantent eux-mêmes leurs chansons, génériques compris, le label musique de France 3 a la chic idée de publier un album en fin d'année 1993. L'albeum des MINIKEUMS.

Dahan, Gaut et Almosnino interprètent ces titres composés majoritairement par Roddy Julienne (chanteur pop des années 80) en collaboration avec des auteurs différents (Patrice Levallois en priorité), pour les enfants, certes, mais intelligents. L'émission a son propre ton, mais en musique, ce mélange de parodie et de création sérieuse est très, très étonnant. Les chanteurs ont dû fort bien s'amuser, mais question niveau de composition et d'interprétation, ce n'est pas de la rigolade !

Le début des années 90 possède ses moeurs et ses tics, des productions sonores bon marché et, parce que ça marche et parce que ça plait aux jeunes, du rap. L'importance d'M'sé, consécutif au succès phénoménal de monsieur Claude M'Barali (le vrai nom d'MC Solaar), à travers des titres comme "Le Raplaplat" et "Funkoraporock", est d'une logique implacable. "Pas Touche Pas Ma Planète" propose aux enfants un discours écologique bien avant que celui-ci ne devienne prépondérant sur les ondes. On retrouve encore du rap sur le générique final quotidien de l'émission aussi, "L'amour au Maximum", où les différentes marionnettes se rejoignent.

Néanmoins, d'autres musiques, bien d'époque ou non, rythment ces chansons, à commencer par la techno et l'eurodance, ainsi que la country ("Les Eluco Coco Brations", hommage de la marionnette la plus drôle à son homonyme Antoine, le chanteur), le blues et le rock'n'roll. Le générique du début, que chaque enfant attend impatiemment tous les matins entre 93 et 97, est introduit par Nag/Nagui (l'un des personnages les plus sympathiques), présente chaque Minikeum sur fond de riff blues et de rythme latino, avec une bonne dose de musicalité et de groove.

C'est là qu'on voit combien le propos est maîtrisé, parce que niveau guitare, basse, batterie, saxophone, qui que ce soit (absence de crédits oblige), ils assurent au maximum ! Tout comme les chanteurs. Si "Funkoraporock" est un savoureux métissage visant à réconcilier le rock avec le rap, les pastiches de Jojo alias Johnny Hallyday par Gérald Dahan sont brillants, et encore l'humoriste n'a pas encore le ton définitif de son personnage, plus rauque par la suite ! "Kayou" et son blues enfumé lent, ses jeux de mots en pagaille ("Je ne pense qu'à you/kayou") ou le rockabilly marrant de "La Faute du Grok'n Roll" passent toujours très bien.

Et puis il y a les filles, toutes incarnées par la merveilleuse Lucile Gaut. Laissons de côté Josy/Josiane qui n'a pas encore sa chanson à elle, pour parler de Diva, la femme fatale et sa "Divagation" en piano-voix, un mini-Starmania très réussi. Dans la douceur, Elsa/Zaza chante un slow à son amoureux Bernard (Pivot), "32 Juillet", toujours aussi émouvant après tant d'années. Que dire de Vaness, amoureuse de Jojo et presque meilleure que sa figure réelle ? De nos jours, aucune, non, aucune chanteuse pop ou variété n'arrive à soumettre un titre aussi sexy que "Chevalier Magique". Inspiré par "Joe le Taxi" (saxophone torride à l'appui), plus mûr mais avec suffisamment de romantisme pour que des enfants l'écoutent, et pour que Lucile Gaut nous touche en plein coeur, quitte à nous rendre fous d'amour, même encore maintenant.

En bref, musicalement, L'albeum est caractéristique de l'esprit MINIKEUMS, haut en couleurs, drôle et efficace !