Si The FROST semble aujourd’hui oublié depuis Mathusalem, le quatuor aura toutefois largement contribué à l’émergence de la scène Heavy Blues du Michigan dès la fin des sixties.

Originaire de l’Iowa, le guitariste Dick Wagner s’installe très tôt dans les environs de la Motor City.et fait ses gammes au sein de The Invictas. Il enchaîne avec The Eldorados puis monte sa propre formation The Playboys, nom jugé ridicule qui se transforme rapidement en The Bossmen. Le quartet grave une demi-douzaine de singles avant de splitter début 67, leur batteur Pete Woodman s’étant fait attraper par la patrouille en train de s’adonner aux plaisirs de la marijuana.
Notre guitariste désireux de poursuivre l’aventure se joint à Bobby Riggs & The Chevelles qui se transforment très vite en The Newbossmen. La formation enregistre un premier 45 tour pour le label Date. Outre son activité de guitariste et d’auteur compositeur, Wagner produit et manage plusieurs petits groupes de Detroit. Le bonnhomme passe une audition pour Blood Sweat And Tears mais rate le coche.
Sans contrat viable, il décide de remonter un nouveau band sur les cendres des Newbossmen. Rejoint par le batteur Bob Riggs, le guitariste Don Hartman, tous deux anciens membres des Chevelles, et d’un nouveau bassiste Gordy Garris (ex Beaux Jens). Le groupe évolue désormais sous le nom de FROST.
The FROST se fait les dents sur les scènes du Michigan, et parvient à attirer l’attention de Clive Davis, un producteur chercheur de talent de la Columbia. Mais contre toute attente, le groupe préfère signer chez Vanguard Records privilégiant le rapport humain avec le producteur Sam Charters. Chercheur, ethnomusicologue, historien, écrivain et fervent supporter du Civil Right Movment, Charters a contribué à la découverte de nombreux bluesmen et jazzmen et à l’élaboration d’enregistrements de prestige. Depuis trois ans, en parallèle à ses nombreuses activités, il s’occupe également de Country Joe and the Fish, l’un des groupes phares du registre psyché et fer de lance contre la Guerre du Vietnam. La signature du groupe chez Vanguard, label spécialisé dans le Jazz, le Blues et le Folk, peut constituer une surprise mais est une preuve d’ouverture.

Après avoir enregistré son premier disque « Frost Music » qui ne s’est guère vendu faute de promotion, le groupe enregistre son second disque au Grande Ballroom, salle mythique de la Motor City, suivant ainsi les traces de MC 5, autre formation marquante de la région. Entre les deux disques, le groupe s’est considérablement rôdé, ouvrant localement pour John Mayall, Blind Faith ou Three dog Night. A San Francisco, le groupe a mis le feu au Fillmore en première partie de BB King. Bref en 1969, The Frost commence à faire parler de lui.

Ce Live capté au Grande Ballroom Detroit nous retranscrit seulement 40 minutes de concert. On ignore si le quatuor était présent pour une première partie, la salle fermera quelques années plus tard et les archives ont disparue. Le show débute sur un shuffle Rock assez court destiné à chauffer la salle, rien d’extraordinaire mais suffisant pour lancer les hostilités. L'album est agrémenté de deux titres studio: « Sweet Lady Love », un rock médium chanté par Wagner et le bassiste Gordy Garris s’oriente résolument vers le répertoire du Creedence Clearwater Revival, avec une ligne mélodique portée par les guitares. Le groupe temporise ses ardeurs avec « Linda », une ballade acoustique pleine de douceur en droite ligne avec It’s A Beautiful Day ou Illinois Speed Press. Le rythme repart vers l’avant avec « Black Train », un honnête médium rock californien qui rappelle encore la sonorité de Creedence Clearwater Revival. Jusqu’ici des bons morceaux mais tout de même pas de quoi sauter au plafond. Cette face A s’achève sur les chapeaux de roue avec « Help Me Baby », le parfait prototype d’Heavy Blues fin seventies en droite ligne avec Led Zep. Tout y est, grosse intro de batterie, une énorme ligne de basse ronde et acide, une déferlante de guitare et des breaks destinés à faire intervenir le public, sans parler d’un chant se rapprochant étroitement d’un certain Robert Plant qui a pour but de surchauffer l’assistance. Du grand art avec pour trame principale une coloration Summer Love.
La face B ne propose que deux titres. « Donny’s Blues », une composition de Don Hartman, nous renvoie derechef vers Led Zep, le parfait exemple d’Heavy Blues early 70’s avec passage d’harmonica, rythmique implacable, chant survolté et une guitare aussi aérienne que barrée pour huit minutes de transe. Œuvre du couple Barry Mann Cynthia Weil, popularisé par les Animals, « We Gotta Get Out Of This Place » deviendra l’un des hymnes des soldats américains partis combattre au Vietnam. Ce classique a connu de multiples versions parfois, mais The FROST nous en délivre une longue version quasi instrumentale de douze minutes avec un Bob Riggs infernal à la batterie. Le groupe demande à la salle s’il elle est prête et entame une véritable démonstration de force dans la lignée de Sweet Smoke. Les chants de Wagner et du bassiste Gordy Garris ne commencent qu’au bout de dix minutes devant une salle en délire. Une version déjantée totalement différente avec celles qu’en donneront Grand Funk Railroad ou Blue Oyster Cult.

Ce disque Live dont six titres seront édités en singles sera distribué en France par la CED (Compagnie Européenne du Disque) et connaîtra un petit succès malgré un manque de promotion évidente. On retrouvera plus tard Dick Wagner aux côtés d’Alice Cooper et Lou Reed. En 2001, Vanguard rééditera le concert sous forme de double vinyle avec quatre titres supplémentaires. Bob Riggs, insatisfait par le manque de succès et de promotion du label Vanguard quittera le groupe suivi par Dick Wagner. Don Hartman tentera en vain de relancer le groupe en 1971 avec le retour de Riggs et les arrivées de Rick Bozzo (basse) et de l’organiste Robin Robbins, mais la formation évoluant sous le nom de The New Frost ne se remettra jamais des départ de Gordy Garris et de Dick Wagner, véritable catalyseur et tête pensante du groupe. Victime de problèmes cardiaques depuis 2005, Dick Wagner est décédé en 2014. Résultat un Live alternant entre Rock seventies et Heavy Blues en droite ligne avec les productions US de la fin des sixties. Un bon 3 !