SMITH est l’un des noms les plus portés aux Etats Unis, rien que dans le domaine de la Country et du Rockabilly plus d’une soixantaine de Smith ont fait carrière. Encore plus étonnant quatre RAY SMITH se sont produits sous ce même patronyme. Ne croyez pas, chers lecteurs, que Forces Parallèles cherchent à vous perdre avec ces différents homonymes issus qui plus est d’une époque révolue. Alors le premier RAY SMITH est natif de l’Oklahoma et aura enregistré pour Heart le fameux « Gone Baby Gone » avant d’atterrir sur le label texan Kliff Records avec son groupe The ROCKIN’ WRANGLERS. Le second s’est illustré au sein des OKLAHOMA OUTLAWS enregistrant pour le label Indio. Le troisième, natif de Californie, a gravé quelques faces pour Columbia et Coral notamment « Lonesome Truc Driver’s Blues » compo de Bill Monroe. Si vous avez tout suivi, vous pourrez aisément lire la suite. Celle-ci se rapporte au plus connu de ces RAY SMITH. Au cas où vous vous seriez perdus dans tous ces noms, sachez que ces musiciens ne vous en voudront pas, ils ont tous rejoint le paradis depuis des lustres.

RAYMOND EUGENE SMITH voit le jour le 30 octobre 1934 à Melber, un bled perdu du Kentucky. Septième enfant d’une famille de fermiers sans le sous, il se met cependant au piano par l’entremise de sa mère, puis enchaîne la pratique de la guitare et de l’harmonica. Le gamin ne s’éternise pas longtemps à l’école et accumule tout un tas de petits boulots sans le moindre avenir. Il rejoint l’Air Force en 1952 recruté de force par un sergent recruteur, sert durant deux ans sur une base US près de Metz, se marie à 19 ans. Très influencé par le Hillbilly et le Western, il monte un petit groupe avec lequel il se produit pendant ses permissions. Influencé par Eddy Arnold, Faron Young ou Marty Robbins, le jeune militaire se produit aussi dans les bases de l’armée pour divertir ses collègues.

Démobilisé en 1956, il fonde son groupe Ray SMITH and The ROCK & ROLL BOYS. Durant ces trois dernières années, la musique a évolué avec l’émergence d’Elvis. Admirateur d’une country traditionnelle, Ray SMITH va peu à peu booster son répertoire incorporant du Rockab mais aussi en adoucissant son chant à la manière des SINATRA ou Dean MARTIN qui triomphent sur les radios du Nord et dans les cabarets. Remarqué par CHARLIE TERRELL, le manager d’Onie WHEELER, Ray est présenté à Sam PHILLIPS. Début janvier 1958, il passe son audition au Studio Sun de Memphis avec ses musiciens attitrés enregistrant ses trois premiers titres. Entre janvier 58 et février 59, RAY SMITH participe à six sessions Sun enregistrant 19 titres pour trois petits singles. Excellent chanteur, le chanteur guitariste a probablement débuté chez Sam Phillips trop tardivement, au moment où PHILLIPS concentrait son intérêt sur Jerry Lee LEWIS et Johnny CASH, les valeurs marchandes du label.

Au milieu de l’année 59, Ray Smith quitte Sun Records, il n’a touché que des clopinettes. CHARLIE TERRELL lui conseille de tenter sa chance chez Judd Records, le label de Judd PHILLIPS, le frangin de Sam. Le label Judd n’a jusqu’alors pas affolé l’industrie du disque, Judd PHILLIPS a fondé sa petite maison de disque un an avant et il a parfois du mal a bouclé son budget malgré les singles de Bobby DENTON et de COOKIE & HIS CUPCAKES. Il vient d’enregistrer l’excellent guitariste Roland JANES, transfuge du label Sun mais le disque ne se vend guère. Aussi décide t-il de lui donner sa chance. En aout 59, Ray est envoyé dans les studios de la RCA à Nashville. Il est venu avec deux titres dans ses poches : « That’s All Right » et « Rockin’ Little Angel ». Il enregistre les deux titres en une matinée, épaulé par les guitaristes CHET ATKINS et GRADY MARTIN, FLOYD CRAMER au piano, BOB MOORE à la contrebasse et on lui adjoint même les JORDANAIRES qui trainaient dans le studio. Ce premier single Judd est une bonne pioche, « Rockin’ Little Angel » dépasse le million d’exemplaires vendus et fait une brillante apparition dans le Hit Parade national. Il s’agit du premier hit de RAY SMITH et … son dernier. Malgré ce single surprise, il n’enregistrera que quatre singles pour Judd.

En octobre 1961, Ray grave quatre titres au studio Sun de Nashville, ces titres sortiront tardivement sous l’étiquette jaune. A partir de 1962, le rocker voit sa côte dégringoler, il ne cesse de changer de maisons de disques au gré des contrats qu’il décroche péniblement. C’est ainsi qu’il va enregistrer pour de multiples labels - Zirkon, Infinity, Smash, Warner, Vee Jay, Tollie, Diamond, Cinnamon, Corona, ShiRay, pour finir sur les labels canadien Wix et Boot ou l’allemand Rundell -. Le plus souvent, il ne reste le temps d’enregistrer que deux ou trois 45 Tours. Sa carrière depuis le milieu des sixties n’engendre que de la déception, à tel point qu’il s’installe en 1967 à Burlington en Ontario avec sa femme et leurs trois enfants. En 1972 il connait un petit hit sur le label Cinnamon et à la fin des années 70, profitant du regain occasionné par le Revival, il se produit en Angleterre et en avril 79 à Eindhoven devant une foule enthousiaste. Le temps d’un concert, SMITH est encore capable de mettre à genoux n’importe quelle salle d’Europe, principalement au piano, son jeu n’ayant rien à envier à celui de JERRY LEE LEWIS. Alors qu’il semblait sur la pente ascendante, RAY SMITH met fin à ses jours le 29 novembre 1979.

Excellente compilation, « Rockin’ Little Angel » permet de découvrir cet artiste attachant au meilleur de sa forme. Le label Bear Family a pioché dans les fonds de tiroir du label Sun dénichant dix inédits. Fidèle à la série « The Sun Years Plus », ce recueil propose tous les titres enregistrés entre janvier 58 et octobre 61 pour les labels Sun et Judd Records, il ne manque que la première démo de « Little Girl » et celle de « This Girl Was Meant For Me » probablement inutilisables ou incomplètes. Comme à son habitude, le label Bear Family s’est livré à un gros travail de dépoussiérage sonore et à une bonne recherche avec un livret de 55 pages contenant des photos rares. Le répertoire combine d’excellentes pièce Rockabilly: « So Young », « You Made Hit », le sauvage « Right Behind You Baby » future reprise de Vince Taylor, du Rock n Roll pur jus « It Makes Me Fool Good », «Little Girl», « Rockin’ Bandit » et « Rockin’ Little Angel » mais également de bons titres navigant entre Slow Rock et Ballade «Forever Young », « Two Pennies And A String », « Why Why Why » et du Hillbilly de première main « Sail Away ». A l’écoute de certains titres, on comprend d'ailleurs mal que certains d’entre eux n’aient pas été publiés en single par SAM PHILLIPS.