Groupe météorite préfabriqué quasiment de toute pièce par la firme Midas Records en 2007, une maison d’édition basée à Nashville, Whiskey Falls n’a enregistré qu’un unique album avec cet éponyme. Ce quatuor de redneck aura tourné sporadiquement jusqu’en 2011 jusqu’à ce que ses quatre membres bifurquent vers des horizons différents.

C’est essentiellement pour leur qualité vocale que furent recrutés ces quatre bons petits péquenauds. Seven Williams et Wally Brandt, deux anciens choristes du label Atlantic, en provenance du groupe Seven and The Sun, n’avaient jusqu’alors guère défrayé l’industrie du disque avec « Back To The Innocence », un disque combinant Americana, Country FM et une Soul contemporaine, soit un ensemble des plus indigestes. Oh certes le groupe pouvait se targuer d’avoir refourgué deux chansons pour deux soupes hollywoodiennes (« Summer Catch » (« L’Amour à Coup Sûr ») et « America’s Sweetheart » (Couple de Stars ») mais c’est à peu près tout. Pour compléter ces deux gâchettes, Midas enrôla Buck Johnson (ex claviériste choriste de Matthew Sweet, Chris Stills et Doobie Brothers) et enfin en guise de pistoléro Damon Johnson (ex Faith Hill, Brother Cane, Alice Cooper et futur guitariste de Thin Lizzy).
Boosté par une campagne publicitaire pondue par Music City, la formation parvient à placer deux de ses titres dans le Top 40 Country. Il faut dire que Nashville possède des ramifications incroyables comme celle qui conduira Atlanta Braves, une franchise de baseball professionnelle, à prendre « Load Up The Bases (The Baseball Song) » pour porter ses couleurs.

A la lecture de ces lignes, vous serez en droit de vous dire que Whiskey Falls débouche encore sur une énième formation de Country FM contemporaine comme seule l’Amérique et le Canada peuvent en pondre à la pelle. Mais Nashville peut parfois produire de bonnes surprises. « A force de tout faire pour éviter les mauvaises surprises, on finit par rater les bonnes, aussi. » (Marie-Sabine Roger).

Ce disque, au titre presque parodique sans le vouloir, surprend d’emblée par la qualité de ses harmonies vocales. En fait, tout a été construit là-dessus. Second constat, la qualité d’écriture du groupe qui a composé les treize pistes de l’album. Histoire de frapper fort, Midas incorpore d’entrée les deux titres qui feront leur entrée dans le Hot Country. On connaît l’importance du placement du second titre dans un disque, mais « Falling Into You » (40ème au Billboard Country) placé en ouverture aurait mérité une place en milieu de disque. Toujours est-il que cette ballade mid tempo s’inscrit dans une veine Americana. La lap steel vient en parfait contrepoint des guitares acoustiques pour une mélodie digne de figurer dans un album du regretté Gerry Rafferty. « Last Train Running », titre qui aura les faveurs des radios US, est une ballade dominée par la qualité des harmonies vocales proches de la Close Harmony. Certains risquent de préférer la version acoustique délivrée par le groupe sans accompagnateurs, celle-ci se révélant plus roots et sincère.
Petit passage plus dynamique avec « The Night Ain’t Over Yet », un Country Rock qui pourra évoquer 38 Special et consorts. Les amateurs de piano se régaleront avec « Highway 59 » une ballade nostalgique tenant du Country Gospel. Changement de cap avec « The Champ », morceau débutant avec du fiddle et qui monte crescendo via une guitare intempestive, la fin du titre voyant l’incorporation d’un remix provenant du message d’un officier de police. Détour vers le Folkabilly avec « Days Of Birmingham » évocateur de Stealers Whell. L’acoustique « Better Days Will Come At Last » se révèle gentillet mais ne paraissait pas indispensable, plombé par un drum progamming. « Working Man », un Country Rock surproduit, n’échappe hélas pas à la sonorité du Southern Rock eighties. Si vous aimez le genre de ballade guimauve et bigotte dans le genre de celles qu’on sert dans certaines congrégations du Sud, « So Much Better » devrait recevoir votre bénédiction. Même impression avec « I Can’t Stop Loving You » destiné à la clientèle midinette (ce sont de grosses acheteuses). « Keep The Light On » nous expédie vers un mid tempo plus proche des racines avec un bon passage de piano hélas trop court.
Enfin on arrive à du plus sérieux, ne serait que par le titre, avec « Let The Whiskey Fall » un Country Rockin’ qui rappellera The Eagles. En fin d’album, « Load Up The Bases » témoigne que les clubs de baseball n’ont aucun goût en matière de musique, le titre flirtant entre Rock et Country Remix et finit par se perdre en route.

Alors, au moment de délivrer une note, on se dit que l’album aurait pu monter d’un cran s’il n’avait pas été surproduit à la sauce Nashville Sound. On peut aussi reprocher à Midas Records d’avoir encombré les morceaux de tout un tas de musiciens de studios, alors que nos quatre péquenauds pouvaient probablement s’en tirer tous seuls comme des grands sur au moins une moitié du disque. On ne pourra s’empêcher de penser que la grosse qualité du groupe (les harmonies vocales) finit par devenir encombrante, envahissante et lassante. Maintenant, on peut aussi se dire que la moitié de l’album pourrait s’inscrire totalement dans les répertoires de Gerry Rafferty, des Eagles voire de Poco. C’est toujours la même histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide. Qu’importe après tout, Buddies, pourvu que le whisky coule à flot !

Note réelle 2,5.