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1997 Molène
1999 Porz Gwenn
2001 Rozbras
2004 Symphonie Iroise
 

- Membre : Nuit Celtique, Yann Fañch Kemener
 

 Didier Squiban Le Site (non Officiel) (1235)

Didier SQUIBAN - Porz Gwenn (1999)
Par MR. AMEFORGÉE le 2 Octobre 2006          Consultée 5969 fois

Si Molène était le poème d’une île et Rozbras sera le tableau d’un port, Porz Gwenn apparaît comme le roman d’une presqu’île. Et si le style de Didier Squiban est reconnaissable entre mille, reprenant la formule déjà éprouvée sur Molène à quelques différences près, le piano solo navigant entre jazz et classique en eau celte, le format adopté ici, celui de variations plutôt que de suites, confère une stabilité et une cohérence à l’ensemble, qui s’affirme dès lors comme la meilleure œuvre du pianiste produite jusqu’à maintenant. La plus jazz aussi sans doute.
L’empreinte romantique est plus que jamais palpable et l’on pourra difficilement éviter de songer à Schubert et à Chopin, deux grands mélodistes passés maîtres dans l’art d’évoquer des sentiments élégiaques. La liquidité saline, la fuite du temps, la nostalgie, la tendresse, l’espoir touché de mélancolie, tels sont les thèmes ou impressions qui s’entremêlent à l’écoute de Porz Gwenn, que l’ornementation jazzy pare d’un dynamisme gourmand.

Là où Molène menaçait, à la longue, de sombrer dans le ridicule pour cause d’excès de lyrisme affecté, Porz Gwenn, sans se départir de sa veine émotionnellement travaillée, propose davantage de morceaux impétueux et se montre globalement plus créatif, plus construit, plus complexe sans être plus abscons, et donc bien plus passionnant. Les variations, c’est-à-dire l’usage de thèmes récurrents comme base à de multiples pistes d’exploration, en sont les garantes. Et malgré le nombre conséquent de titres, dix-huit, chacun d’une durée somme toute très raisonnable, l’intérêt se trouve maintenu jusqu’au bout, même si, il faut bien l’avouer, la partie la plus délectable, la plus irrésistible se situe dans la première moitié. Toutefois, bien qu’un peu en dessous, la seconde moitié reste largement supérieure aux errements qui alourdissent la fin de Molène (et j’arrête ici de tirer à boulets rouges sur celle-ci, promis).

Si un adjectif s’impose pour qualifier le jeu de Didier Squiban, c’est indéniablement celui d’« élégant ». Et cette élégance, ce n’est pas celle qu’arborerait un jeu froid et aristocratique. A aucun moment, on ne ressent une forme de prétention dans sa manière de lancer et relancer la houle mélodique en un ressac chargé d’écume. A aucun moment, on ne prend le pianiste en flagrant délit de course effrénée à la virtuosité gratuite (même si celle-ci peut s’apprécier à l’occasion). Ici, la musique, fluide et maîtrisée, tissée à partir d’une ligne claire, limpide, témoigne au contraire d’une chaleur et d’une cordialité qui ne peuvent finir que par toucher l’auditeur. Et si certains passages, où les notes s’égrènent en un flot presque tumultueux, en imposent, on ne sent jamais pointer d’arrogance. En ce sens, l’élégance, c’est cet art qui en faisant preuve de modération, de retenue, parvient à atteindre un degré supérieur de beauté.

Au rang des cimes les plus élevées de l’album, on trouvera sans conteste possible les variations 2 et 4, soit « Kastellig » et « Diskan », menées tambour battant, la première dotée d’une basse accrocheuse et de phrases mélodiques à la main droite absolument imparables, tandis que la seconde, qui lui ressemble à maints égards, au rythme de gigue, nous décroche un swing absolument terrible et fédérateur. On souhaiterait en entendre plus souvent, des morceaux de cet acabit. Autre moment fort, l’enchaînement des variations 6, 7 et 8 : le « Cantique Breton » commence dans du velours, plein de tendresse, avant que les arpèges scintillants qui introduisent la « Marche » retentissent. La première partie, improvisée et sans tempo, est résolument tournée vers le jazz, avant que le pianiste ne déclenche, dans sa seconde partie qui sera d’ailleurs reprise dans la Symphonie Iroise, une mélodie qui s’envole avec une emphase jubilatoire et qui voit sa conclusion dans les « Airs de Gavotte ». Un point culminant, un pic, un cap, que dis-je, une péninsule ! On pourra encore, éventuellement, évoquer l’excellent « An Dro de Pont Kalleg », qui débute d’un ton grave, presque inquiétant, avant de progresser dans la lumière suivant les règles édictées par le swing qui enjôle les hanches et leur intime de se mouvoir en cadence. Enfin, la dernière variation, baptisée du nom de l’album, avec sa basse appuyée en ostinato, corrélative d’une inflexion plus solennelle, est particulièrement bien pensée en tant que conclusion. On aura évité de décrire l’album dans sa totalité, mais la plupart des morceaux valent le coup d’oreille.

Avec Porz Gwenn, Didier Squiban atteint une forme d’excellence. Les médias ne s’y tromperont d’ailleurs pas en lui attribuant divers éloges mérités, même si la popularité du pianiste reste relative en France. On ne peut qu’aimer cet album à la saveur océane. Et je dis ça de manière péremptoire. Sous peine d’être provoqué en duel mardi aux aurores, alors que le ciel se pare d’une incandescence glorieuse, à l’extrémité de la Pointe du Raz, l’arme consacrée étant le sabre et le terme du combat le premier sang ou bien la décapitation par mégarde. Le perdant paye une crêpe au combattant victorieux. On n’oubliera pas d’évoquer encore une fois le livret, établi en collaboration avec le photographe Michel Thersiquel, et qui demeure un vrai plus esthétique. De la trilogie pour piano, il s’agit du meilleur album et même, s’il ne fallait en garder qu’un seul pour découvrir Didier Squiban, se serait celui-ci. Il y a des disques que l’on garde au cœur.

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   MR. AMEFORGÉE

 
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- Didier Squiban (piano)


1. Tal Ar Mor
2. Kastellig
3. Forzh Penaoz
4. Diskan
5. Petit Air Marin
6. Cantique Breton
7. Marche
8. Airs De Gavotte
9. Nominoë
10. Choral
11. An Dor De Pont Kalleg
12. Ar Paotr Yaouank Kozh
13. Sur La Route De Saint-claude
14. Ridée De Loperhet
15. Ronds De Molène
16. Ronds D'iroise
17. Ar C'hoadig
18. Porz Gwenn



             



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