Dans la triste et longue histoire, pourtant récente, des stars de la “nouvelle scène Française urbaine djeunz et kontemporène”, on en a eu, des résidus de benne oxydée, mais parmi la cohorte de trépanants brailleurs, il y en a deux qui étaient arrivés à se hisser au-dessus du panier : Shy’M pour le chromosome X, M POKORA pour le Y. Ce dernier s’étant récemment fourvoyé dans une calamiteuse entreprise de déterrage au rabais de visseurs d’ampoules, on avait de légitimes craintes concernant son alter-égo féminin. Surprise donc : le dernier Shy’M est rempli de défauts, petits ou gros, mais il est également très loin de la bouse interstellaire tant redoutée. Très très loin en fait.

Et pourtant, si vous partez dans l’optique de démolir cet album, vous aurez tous les ingrédients pour étancher votre soif de vengeance et de sang versé, rien qu’au premier titre. Dieu que c’est putassier. Dieu que le pré-refrain est ridicule. Dieu que le pont avec son featuring d’un cotorep du savoir-vivre section Bescherelle Ta Mère est inutile et gavant. Mais le couplet est très correct, la prod regorge de petites choses bien sympathiques, et le refrain... il fonctionne à pleins tubes ! Alors oui c’est de la variété mâtinée de r’n’b français des années 2010, ce qui revient dans certains pays à la condamnation à mort par décapitation, mais il y a tant de pêche, de couches de synthés et d’implication dans ce fichu refrain que ça pourrait tout à fait vous convenir... voire vous entraîner ! Le second titre est là pour carrément enfoncer le clou, comme disait Jésus quand ça le gratouillait : intro semi-acoustique qui fait penser à Nolwenn LEROY, couplet complètement Julie ZENATTI dans ses meilleures heures, chanson mélodique, z’urbaine dans son essence de production mais absolument charmante. Mine de rien, ça fait deux tubes à la suite. Et différents. Et com-plé-men-taires.

Alors ouais, okayyyyy, l’album entier n’est pas aussi bon tout du long. Mais sa qualité globale s’avère très largement supérieure à toutes les attentes. Il y a des ratés, des choses un peu trop faciles ou creuses, mais curieusement, aucun titre n’est complètement jetable. La pire, de loin, est "Salut Salaud", dont le texte n’a d’égale richesse que la musique hélas. Et même ce morceau n’est pas épouvantable, juste très maladroit. Il est trop basé sur “les 4 accords”, comme la moitié de l’album : "Vraiment", par exemple, ou "Work It Out" qui réussit à être dansant sans être complètement abrutissant comme euh... allez, soyons large : cent pour cent de ses congénères ? Ou encore "Madinina" qui est à la frontière entre le ridicule naïf et l’entêtant, avec son côté gitan un peu grossier mais, au moins, compréhensible (par rapport au marketing géolocalisé habituel).

Et vous avez aussi quelques passages vraiment intéressants, ou du moins étonnants, qui font que malgré ses (gros) défauts cet album se laisse écouter d’une traite. "Puisque" ressemble au dernier Lara FABIAN dans sa production (ce qui est un compliment) et va louvoyer du côté de la frontière dream pop. "Si Tu M’Aimes Encore" possède un petit refrain de variétoche très bien foutu, limite adorable : on est plus proche de Michèle TORR que de DIAM'S, mais va-t-on s’en plaindre ? Que nenni mon bon ami, que nenni. Encore, la ballade de fin inévitable, est une jolie petite chose pleine d’émotion à deux guitares acoustiques (beurk quelle horreur, de vrais instruments, mais où va-t-on ma bonne dame Fun Radio, où va-t-on ?), et pour achever le tableau, comment ne pas évoquer le morceau-titre dont l’intro est totalement pompée sur... "Miami Vice" de Jan HAMMER. Sincèrement, des pompes comme ça, j’en veux bien tous les jours, surtout avec la petite gratte funk-bluesy qui décore la chanson tout du long. On pourra légitimement grincer des dents sur quelques passages, un bon nombre même, mais ce serait criminel de passer sous silence les efforts mélodiques et le travail, à tous les niveaux, effectué par la petite Tamara sur cet album. Ne vous arrêtez ni à la pochette (ouh ça non, non non non), ni au nom, ni même au style supposé de l’album, et donnez-lui sa chance. Ce n’est que de la variété grand public, mais jusqu’à preuve du contraire, et décret au journal officiel, cela n’est pas encore un crime.