Star de la batterie dans la galaxie "grunge" de Seattle (je mets grunge entre guillemets tant cette appellation est depuis toujours sujette à caution, y compris au sein de notre confrérie parallèle), batteur de SOUNDGARDEN puis de PEARL JAM, soit pas les deux groupes les plus rythmiquement faciles, "M.C." s'offre ici une petite récréation. Un petit projet parallèle, une escapade en solo, une bouffée d'air frais et, soyons honnêtes, une carte de visite pour montrer qu'il fait partie de cette caste de batteurs qui savent écrire de la musique, chanter et faire autre chose que boum boum (un peu comme Virgil DONATI, Billy COBHAM, Dave GROHL ou Karim REVEILLE. Non, pas lui). Ce petit album se devait donc de montrer de la technique et du savoir-faire, tout en restant accessible et malin ; et s'il n'est pas parfait, il réussit la gageure de divertir l'auditeur tout en se montrant par moments bien balèze.

La batterie est évidemment à l'honneur, mais pas sur-mixée, non, c'est plutôt dans les rythmes touffus que Matt se distingue - il en a d'ailleurs fait sa spécialité, rappelez-vous la courte, punk mais foutraquement tarée "Evacuation" sur "Binaural". Et dès le titre d'ouverture, un des meilleurs et accrocheur comme pas deux, on entend un musicien efficace, très carré, et qui connaît son métier : mesures impaires mais qui passent toutes seules, choeurs sympathiques et jamais inutiles, guitares au son très PEARL JAM période 2000, ça chante bien, riffs et mélodies se complètent. C'est du rock mélodique et brut sans concession mais léché. Les instruments sont tous maîtrisés, le mixage chaud, et on a vraiment l'impression d'entendre un vrai groupe (Matt s'est fait aider, mais l'essentiel est de lui). Il y a un seul défaut à ce mini-tube entraînant : c'est un peu trop court, la fin est comme inachevée. Ce ne sera pas la seule du lot.

Ne boudons cependant pas notre plaisir : ce qui ressort le plus de ces chansons parfois un peu frileuses ou hésitantes, c'est le plaisir pur de produire et de composer. La voix est agréable et ne choque jamais, il y a de petits à-côtés surprenants ("All At Once" qui est un peu ce qu'aurait fait SOUNDGARDEN en matière de surf music, "Into The Fire" instrumental qui dans l'esprit rappelle un peu ceux de RUSH période post-80) et quelques vraies tentatives de tubes sans honte : le meilleur, "Blind", joue d'un riff assez Americana et très accrocheur, avec des claviers rajoutant de l'atmosphère. Sans pousser trop loin les expérimentations, CAMERON s'amuse quand même, à rajouter par exemple du clavecin, ou un traitement sonore assez électro sur un "One Special Lady" dont le solo/pont est nickel côté arrangements. Même quand il veut se poppiser au maximum, sur "Real and Imagined", on pense beaucoup plus à KARATE ou GRANDADDY qu'à COLDPLAY ou MAROON 5 : c'est mélodique et accessible, certes, mais loin d'être évident. C'est vrai que la moitié des chansons ont un petit quelque chose qui manque : une vraie fin, un développement, un pic émotionnel, un riff plus marqué... mais dans sa globalité, ce petit album se laisse franchement écouter avec plaisir, et plusieurs fois. Seule, finissant l'album tragiquement, "Unnecessary" porte bien son nom.

Le pari est passablement réussi : oui Matt, maintenant on peut largement te considérer comme un vrai musicien pluridisciplinaire aguerri. Il faudra concrétiser et faire encore mieux la prochaine fois, mais sans oublier d'y prendre du plaisir : quelque chose me dit que c'est dans ses cordes.

Note finale : 3,5/5