Evanescence, nf. : Propriété de ce qui s'évanouit, s'efface.

Et effectivement, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il avait bien disparu dans la nature, ce groupe. Second album passé presqu'inaperçu, troisième j'en parle même pas (malgré une qualité certaine), et la dernière fois qu'on avait eu signe de vie, c'était la très jolie Amy LEE qui a sorti un, non moins très joli d'ailleurs, disque de comptines pour nourrissons (NdAuteur : Totalement véridique, évidemment). Les voir revenir avec un simili best-of en forme de réenregistrement symphonique est donc pour le moins une surprise, d'autant plus que pour une rétrospective, le groupe se permet carrément de faire l'impasse sur "Going Under", soit LEUR plus gros tube. Gonflé, le groupe.

Le groupe ?

On va remettre les choses à leur place. Ce disque, c'est Amy LEE au piano et à la voix (très, très très forte), le vétéran et excellent David CAMPBELL à l'orchestre (le Michael KAMEN des années 2010), et Will B. HUNT, producteur électro et donc homonyme de Will HUNT, batteur du groupe. La seule différence étant que le B, on l'entend, lui.

Car si vous vous attendiez à du gros metal symphonique qui tâche, vous allez être marrons. Oubliez "S&M" de METALLICA, "Ghosts" de RAGE, THERION ou autres WITHIN TEMPTATION, "Synthesis" ne laisse poindre aucune guitare saturée, est quasi-uniforme niveau sonore... et las ! il l'est aussi niveau stylistique, et c'est ce qui fait son gros, son impardonnable défaut. Amy chante toujours bien, son piano a des airs MOZARTiens (avec une reprise du "Lacrimosa", valait mieux !), l'orchestre de CAMPBELL s'il est parfois un peu fainéant peut surprendre, les touches électro sont très bien vues et s'intègrent parfaitement avec ledit orchestre (c'était le but de l'expérience, dixit Amy), mais une fois passée la jolie surprise de "Never Go Back", belle, évanescente justement, sans rythmique, on se rend vite compte que * TOUT * le CD (ou vinyl, très beau) est pareil. Pratiquement aucune chanson ne vient briser une monotonie certaine. En CD, ça se laisse évidemment écouter, il y a des fulgurances et deux-trois surprises : le pont instrumental démonstratif de l'inédite "Hi-Lo", le traitement plus électro que l'original dudit "Lacrimosa", le déchaînement symphonique de "Your Star", et puis le second inédit, "Imperfection", qui change un peu avec son feu d'artifice final et son rythme un peu plus taquin que le reste.

Le reste, justement, en CD, fait bailler. Quand les orchestrations sont moins présentes, on a l'impression d'écouter un Georges-Mouloud GREGSON-WILLIAMS lambda. Les ballades les plus larmoyantes sont souvent trop forcées, l'émotion ne passe pas ("My Immortal", énorme tube de 2003, devient anecdotique). Ce n'est pas mauvais, attention, hein, mais en CD, ce qui manque cruellement, c'est un groupe. Oui, mettre en avant l'orchestre et les touches électro, c'est intéressant, ça fait faire peau neuve aux chansons, mais il n'y a plus de groupe DU TOUT. Et ça, c'est beaucoup plus problématique. Et pourquoi c'est beaucoup plus problématique, comme y dit le monsieur ? Parce que quand on réécoute les originaux, on se rend compte qu'il y avait DEJA des orchestrations partout. Alors certes, ça n'était pas du niveau de Sir CAMPBELL, mais au moins, il y avait de la variété, du dynamisme, on n'avait pas l'impression, ici très cruelle, d'écouter seize fois (okay, disons quinze), la même chanson, en CD.

Mais enfin, pourquoi ce zouave spécifie-t-il "en CD" sans arrêt ? Eh bien parce que cet album existe aussi en version dite "deluxe" avec un DVD bonus. Quasiment personne ne le sait, faut acheter deux labradors et trois cochons truffiers pour la trouver, mais si d'aventure ma chronique lunatique ne vous avait pas échaudé, sachez que cette version est, pour une hausse de prix totalement ridicule (17 euros chez Edouard au lieu de 13), la seule et unique qui vaille. Vous avez dedans plein de surprises. Déjà, une version instrumentale, pour les courageux et geuses qui voudraient s'attaquer au répertoire d'Amy. Ensuite, un petit documentaire de 17 minutes, non sous-titré (on n'a pas de sous chez Sony, on est indépendants, c'est la krizdudisk), qui est assez intéressant, un peu lèche-cul mais laisse parler tout le monde. Enfin tout le monde sauf le groupe, qui a droit à 3 pauvres minutes. Soit à peu près le même temps d'audibilité que sur l'album. Vous avez aussi, attention les yeux, en partie DVD-ROM les PARTITIONS ORCHESTRALES de David CAMPBELL ! Elles n'ont pas l'air tout à fait complètes, mais croyez-moi, c'est déjà largement autre chose que les sous-daubasses habituelles.

Enfin, et là c'est une grosse surprise, vous avez un mixage 5.1. Et bien qu'il ne soit qu'en pauvre Dolby, il va fracasser vos enceintes. L'orchestre est, tenez-vous bien, SPATIALISE !!! Alleluia, des gens ont compris qu'un ensemble de 80 musiciens, ça pouvait se diviser ! Donc violoncelles grinçants sous vos pieds, violons alto et non-alto se partageant le devant et le derrière, cloches tubulaires et xylophones loiiiiiin devant vous, et trombones qui viennent faire pouinnnnnnnn sur votre épaule. C'est assez spectaculaire (nonobstant un certain bruit de fond, qui rajoute un petit côté live), et le mieux, ce sont ces fameuses parties électro : un régal, ça virevolte dans tous les sens. Sincèrement, l'album n'y gagne pas énormément puisqu'on a toujours cette monotonie ambiante, mais les parties les plus excitantes prennent enfin vie et sont mille fois plus percutantes que le CD pourtant déjà bien costaud. Le prix est nickel, le package joli, on a des cadeaux plein la culotte, que manque-t-il ? Ah ben toujours le groupe hein, en 5.1 ça ne change pas, zéro x 5 ça fait toujours zéro. Reste que "Imperfection" pourrait bien être une indication précise de ce que le gr.... le projet d'Amy LEE risque de devenir. Wait and see. Wait beaucoup, methink.

Note finale : 2 en CD ou vinyl, mais 3 voire 3,5 en DVD.