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1971 I Am What I Am

Ruth COPELAND - I Am What I Am (1971)
Par LE KINGBEE le 28 Février 2018          Consultée 2063 fois

Anglaise installée aux States, Ruth COPELAND ne compte à son actif que trois disques sous son nom enregistrés entre 1970 et 1976. Oubliée à tort depuis des années, cette songwriter chanteuse mérite d’être redécouverte.

Ruth COPELAND voit le jour en 1946 à Consett, ville au sud de Newcastle. Elle se passionne dès l’enfance pour la musique, il faut dire que l’un de ses voisins n’est autre que Freddie « Fingers » Lee, un pianiste guitariste anglais, ancien compagnon de route de Screaming Lord Sutch et de Marty Wilde. Le bonhomme, véritable fou furieux, avait l’habitude de démolir ses instruments à coups de hache ou de tronçonneuse. A 17 ans, suite au décès de sa mère et au remariage de son paternel, Ruth décidant de gagner Londres intègre Ed and The Intruders, groupe dans lequel officie son ancien voisin.
Au milieu des sixties, Ruth rejoint sa frangine à Detroit. L’aînée des deux frangines chante du Folk et du Blues dans les clubs de la Motor City. Passionnée de musique, l’Anglaise décide de faire carrière et parvient à enregistrer un premier single sous le nom de Kelly Michaels. Elle se marie brièvement avec un joueur de foot américain.
Lors d’une audition comme choriste pour Edwin Starr, elle est remarquée par Jeffrey Bowen, un ancien producteur et songwriter de l’écurie Motown, qui vient de rejoindre Invictus Records, le nouveau label fondé par trident Holland/Dozier/Holland. En 1969, Ruth, en passe de devenir à la ville Madame Bowen, enregistre son second microsillon au sein de The New Play. L’Anglaise se mettant à la composition enchaîne avec des rôles de choriste, compose quelques titres et coproduit « Osmium », premier disque de PARLIAMENT, groupe de George CLINTON. Parallèlement à diverses collaborations avec le groupe de Clinton, Ruth enregistre son premier album « Self Portrait » en octobre 70 avec des membres de PARLIAMENT-FUNKADELIC, un collectif philosophico-musical créé par le génie visionnaire de Clinton.

Mais c’est l’année suivante, en juillet 1971, que Ruth COPELAND lance un véritable parpaing avec son second disque « I Am What I Am ». Souhaitant garder les rennes de la direction artistique, la chanteuse décide de produire elle-même son second disque, mettant en pratique l’adage « on n'est jamais aussi bien servie que par soi-même », une aubaine pour Invictus qui n’aura qu’à presser et à faire distribuer ce brûlot aussi décapant qu’incendiaire.
COPELAND décide de lancer dans le bain un ingénieur du son débutant qui ne tarde pas à faire parler de lui, Barney Perkins (aux consoles derrière Honey Cone, Freda Payne, Barry WHITE, STEELY DAN ou Anita BAKER). Second geste fort, elle choisit de faire appel à quelques-uns des musiciens présents lors de son premier enregistrement, principalement des accompagnateurs tournant dans le giron de Clinton : les guitaristes Eddie Hazel, Ron Bykowski, Ray Monette, seul blanc de la troupe (ex Mavis Staples, Rare Earth), le bassiste Billy Nelson, le batteur Ramon « Tiki » Fulwood, l’organiste Bernard Worrell (futur Fela Kuty, Adrian BELEW, TALKING HEADS, Jack Bruce, Bootsy Collins, Black Jack Johnson).

Excellente auteure-compositrice, Ruth a apporté dans ses valises cinq originaux auxquels s’ajoutent deux reprises d’enfer. D’entrée de jeu, on peut laisser voguer son esprit sur l’intro mélodique du piano un brin mélancolique de « The Medal », chanson contre la Guerre au Vietnam, thème alors bien en vogue parmi la jeunesse et les musiciens. Mais l’entrée tout en douceur du piano ne dure pas longtemps et laisse sa place à un déluge de guitare psyché évocateur de Big Brother & the Holding Company ou JEFFERSON AIRPLANE. La voix de COPELAND passe par toutes formes de nuances : tendre, mélancolique, colérique et rageuse, un timbre plus aigu que Janis JOPLIN mais qui ne part jamais en vrille, même dans les passages les plus intenses. Janis JOPLIN, parlons-en justement. « Crying Has Made Me Stronger », coécrit avec George Clinton, pourrait pleinement s’inscrire dans l’album « Pearl » sorti quelques mois plus tôt. Un titre où chevauchent balade, Blues à la limite du Gospel Psyché. « Hare Krishna », thématique alors en vogue dans la sous culture hippie, porte un message d’espoir chanté à pleins poumons sous une belle mélodie. Moins Pop et moins connu que le titre éponyme de George Harrison, ce titre ne s’éternise pas et ressemble plus à un Gospel pour cheveux longs qu’à un Blues pour amateurs de substances illicites. La chanteuse Marion Williams en délivre la même année une excellente variante.
Les influences Funk de FUNKADELIC ou PARLIAMENT (ce sont les mêmes groupes, le nom change selon la maison de disques publiant leurs albums) nous happent carrément sur « Suburdan Family Lament ». Intro de batterie, guitare aussi fuzz que funky, voix stridente et acérée dans la lignée d’une Betty Davis et cette trouvaille de chœurs avec enfants et voix féminines pour adoucir le tempo. Autre titre dédié au Funk avec « Don’t You Wish You Had (What You Had When You Had It) » avec cette fois une bifurcation vers le Blues Fusion tendance psyché en mid tempo qui navigue étroitement entre transe et torpeur.

Bon, on en a fini avec les compos de la dame en jupette d’indienne. Ne restent que les deux reprises, des Stones qui plus est. Les plus blasés penseront : «Oh ! Encore des morceaux des STONES ! ». Les fans de Jagger et de ses comparses jureront que rien ne vaut un titre des STONES par les STONES ! Je serais plus nuancé, n’étant pas un fan farouche des Londoniens, en affirmant que la chanteuse nous expédie en pleine gueule deux missiles furtifs. « Play With Fire », un classique des STONES gravé en 1965, a connu son lot d’atrocités (Dead Moon, Nikola Sirkis, Manfred Mann Earth Band jusqu’à Rickie LEE JONES)*. Après une longue intro piano/voix de près de deux minutes, le titre décolle via la guitare d’Eddie Hazel et un chant véhément pour une palette teintée de nuances passant de la Fusion au Funk Psyché au Blues pour un titre de sept minutes et des brouettes qui passent comme une lettre à la poste avec une dernière partie en apothéose. Second emprunt aux Stones avec « Gimme Shelter », titre figurant dans l’excellent et apocalyptique « Let It Bleed ». Le titre est lui aussi l’objet de moult reprises parmi lesquelles il convient de retenir les versions de Mitch Ryder, de Merry Clayton (choriste sur la version originale) ou la version Soul de Maxayn. Comment s’enthousiasmer sur un texte si glauque (le monde, plus particulièrement les States, était alors en plein remous) ? Doit-on se dire que la situation ne s’est guère améliorée ? C’est là un autre débat ! Long de huit minutes, ce titre nous en met plein la gueule. La combinaison de structures visant à désarticuler le morceau s’emboîte comme autant de ponts à franchir. Tour à tour, les guitares fuzz prennent le relais de la rythmique, relançant sans cesse le chant de Ruth Copeland, celle-ci passant du désespoir à la fureur pour finir sur une note d’espoir via l’orgue et des chœurs. Il faudrait être insensible ou psycho-rigide pour ne pas s’émouvoir du chant de COPELAND : «… Oh, a storm is threatening War - Children, it's just a shot away - Rape, murder! … ». Une grande reprise dont la version single est raccourcie de quatre minutes trente pour cause de format radio.

Reste à savoir où classer ce disque. Nous retrouvons ici un éventail assez large des tendances de l’époque : Blues Psyché, Funk, Fusion et même quelques pointes de Folk Acid. Bien que des liens étroits existent avec George Clinton et ses divers groupes, cet album sera rangé en Blues. Excellente chanteuse au timbre haut perché, Ruth COPELAND se révèle habile pour changer nos perceptions au gré de son chant et de ses émotions. Nous devons cette sympathique pochette à Craig Braun, un photographe designer ayant principalement œuvré pour les labels Motown, Invictus, Hot Wax, Rare Earth et Blue Horizon. Braun est le concepteur de certaines pochettes des SUPREMES, The Four Tops, Freda Payne, Laura Lee, Marvin GAYE, Jimi HENDRIX ou Honey Cone et du logo des ROLLING STONES.

*Il s’agit là d’un avis personnel.
** Cette chronique provient de l’écoute du pressage français distribué en 1972 par Pathé Marconi. Ce disque a été réédité en CD en 1996 par P. Vine Records et en 2013 par la firme nippone Solid Records avec deux titres bonus. En 2009, Edsel Records a publié en double CD les deux premiers disques de Ruth COPELAND agrémentés de cinq bonus issus de versions single.

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- Ruth Copeland (chant, choeurs)
- Eddie Hazel (guitare)
- Ray Monette (guitare)
- Ron Bykowski (guitare)
- Billy 'bass' Nelson (basse)
- Dawn Hatcher (basse)
- Ramon 'tiki' Fulwood (batterie)


1. The Medal.
2. Crying Has Made Me Stronger.
3. Hare Krishna.
4. Suburdan Family Lament.
5. Play With Fire.
6. Don't You Wish You Had.
7. Gimme Shelter.



             



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