AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Sorti en 1984, Terminator est un chef-d'oeuvre du cinéma des années 80, et à plus d'un titre. En effet, en plus de confirmer le statut de nouvelle star d'Hollywood d'Arnold Schwarzenegger, obtenu deux ans plus tôt avec Conan le Barbare, il permet au Canadien James Cameron de lancer la carrière qu'on lui connaît, remplie de pépites à la fois bourrines et réfléchies (Aliens, Abyss, Avatar... non j'déconne Avatar n'est qu'une démo technique (très) jolie), et il se place en nouvelle référence du cinéma de science-fiction post-Star Wars. Pas mal comme premier film, n'est-ce pas [1] ? Pas mal aussi pour une série B. Car oui, on a beau considérer la saga Terminator comme culte (perso je la trouve ratée depuis le 3), il ne faudrait pas croire qu'elle a été arrosée d'argent par les studios dès son premier volet. Ça peut faire un choc quand on ne connaît Terminator que de nom et lorsqu'on a entendu les fans en parler, mais ce film, de base, n'est qu'une série B réalisée et coécrite par un ancien poulain de l'écurie de Roger Corman, qu'on ne présente plus.

Cela s'entend notamment dans sa musique. Pour illustrer cette histoire de robot tueur venu du futur pour assassiner la future mère de la résistance humaine dans un univers post-apocalyptique, James Cameron, n'ayant pas encore un carnet d'adresses bien fourni, se tourne vers Brad FIEDEL. Ce dernier travaille comme compositeur depuis plusieurs années, mais n'a jamais travaillé pour autre chose que des téléfilms ou des œuvres mineures du cinéma, et a priori Terminator n'est qu'un film de plus. Pourtant, cela ne l'empêche pas de composer une musique non seulement au diapason du film, soit le minimum syndical, mais aussi pertinente.

La musique est adéquate et pertinente dans le sens où elle parvient à capter l'ambiance sombre, terrifiante et paranoïaque de cette véritable chasse à l'homme (ou chasse à la femme si l'on veut vraiment être rigoureux). Jouant beaucoup sur les synthés et effets sonores, elle apporte également un côté cyberpunk en plein milieu d'un Los Angeles pourtant contemporain, tout en jouant la carte du minimalisme. Cela s'entend particulièrement sur "The Terminator's Arrival", avec ce rythme à 4 temps percussifs, nanti d'une nappe de synthés particulièrement angoissante. Plus loin, aussi bien dans la B.O. que dans le film, les scènes d'action, et en particulier de course-poursuite, sont rythmées par des morceaux certes kitschissimes au point de passer pour un TANGERINE DREAM des (très) mauvais jours, mais qui font leur office. Vers la fin, pour traduire l'urgence et la panique dans l'ultime affrontement entre Sarah Connor et le Terminator, FIEDEL n'y va pas de main-morte et propose cette fois un déluge de notes agencées de manière à former une musique martiale et horrifique à la fois ("Factory Chase", "Terminator Sits Up").

Mais soyons honnête : aussi pertinente que soit la musique, elle s'écrase facilement devant le thème principal. Oui, LE thème de Terminator. Toute l'urgence du film, toute sa tension et sa dimension S.F. explosent littéralement dans son thème principal, pourtant (relativement) calme, grâce à des percussions électroniques pas loin de l'indus et, SURTOUT, cette mélodie au synthé, si épique, si conquérante. On en retrouve quelques variations, comme dans "Future Flashback/Terminator Infiltration", un grand moment illustrant d'ailleurs l'une des scènes les plus intenses du film, quand Kyle Reese raconte à Sarah Connor son passé, revoit les visages des humains, réduits à vivre dans des sous-sols miteux, ensuite exterminés par un Terminator infiltré dans la résistance.

En tant que musique de film, la B.O. de Terminator est un exemple de ce qu'il faut faire dans le genre, avec des morceaux qui illustrent les différentes scènes sans empiéter dessus. De plus, c'est une B.O. montrant encore une fois, si nécessaire, que la musique électronique a toute sa place dans ce genre (bon, ok, elle a surtout été utilisée à l'époque par manque de moyens interdisant de recourir à un orchestre symphonique). Toutefois, si l'on retire le fameux thème principal, elle reste bien faible et pas forcément marquante. Est-ce si grave pour autant ? Pas vraiment, car elle évite au moins l'infamant « musique oubliable ». Chose que même les plus grands n'ont pas su éviter à tous les coups.

PS : l'édition chroniquée ici est la réédition CD de 1994, celle qui prédomine depuis. Il existe une version vinyle sortie en même temps que le film, qui regroupe le thème principal et quatre extraits en face A tandis que la face B contient des chansons facilement oubliables et brièvement entendues dans le film.

[1] : non, Piranha II (1981) n'est PAS le premier film de James Cameron. Le réalisateur n'est resté sur le plateau de tournage que 10 jours avant de se retirer, laissant la barre au producteur du film. Ou alors, il faudrait considérer le Spartacus de 1960 comme une co-réalisation de Stanley Kubrick et Anthony Mann.