HATFIELD AND THE NORTH est issu de la réunion de membres de différents groupes de Canterbury : Pip Pyle à la batterie (GONG), Phil Miller à la guitare (MATCHING MOLE), Dave Stewart aux claviers (EGG, KHAN) et Richard Sinclair à la basse (CARAVAN). Le nom de cette formation provient d'un panneau de signalisation qu'on pouvait voir à l'époque en quittant Londres par l'autoroute A1 en direction du nord.

Leur premier album éponyme sorti en ce début d’année 1974 mêle créativité débordante, originalité spontanée et identité remarquable.
Les quatorze titres forment différents mouvements d’une seule pièce musicale. La fusion entre les musiciens est parfaite, l’inventivité de chacun pouvant s’exprimer au travers de leurs compositions respectives. L’excellente production permet une distinction claire de chaque instrument, et on se délecte de découvrir le travail effectué.
Première réelle composition de l’album, "Going Up To People And Tinkling" nous fait découvrir l’immense qualité de celle-ci au travers des claviers de Dave Stewart, plus limpides que jadis quand il officiait au sein de EGG notamment. L’inclassable Robert Wyatt signe une prestation vocale hallucinante en invité sur "Calyx" où il utilise sa voix comme un instrument. Ce titre est l’essence-même de cette école de Canterbury à l’approche toujours plus aventureuse. Richard Sinclair l’imite sur "Aigrette", accompagné par la guitare acoustique de Phil Miller, toujours aussi subtil. "Son Of There's No Place Like Homerton" est une merveille mélodique où le saxophone et la flûte de Geoff Leigh embellissent l’œuvre signée Dave Stewart tandis que le chant des Northettes, un collectif féminin composé de Barbara Gaskin, Amanda Parsons et Ann Rosenthal, lui apporte aussi considérablement avec leurs interventions angéliques. Les paroles surréalistes sont empreintes de poésie. Pip Pyle se rappelle aux bons souvenirs de GONG avec "Shaving Is Boring", une longue plage cosmique et hypnotisante. "Gigantic Land Crabs In Earth Takeover Bid" se démarque de part sa construction, mais surtout par une ligne de basse hallucinante. Peu de temps après la sortie de l’album, Hugh Hopper, ancien membre de SOFT MACHINE, dit de lui qu’il est tout simplement le meilleur bassiste qu’il lui ait été donné d’entendre. Son travail au sein de CARAVAN était déjà excellent, mais libéré de toutes contraintes artistiques, celui-ci touche au sublime.

Il s'agit d'un album complexe, foisonnant d’idées formidablement exploitées, aux mélodies finement ciselées. Ce chef d’œuvre qui ne se livre pas totalement à la première écoute se révèle peu à peu d’une richesse incommensurable par sa musique moins académique mais plus ambitieuse. La complémentarité de ses membres se montre plus affirmée que dans d’autres formations de cette merveilleuse école de Canterbury, avec une homogénéité conservée malgré le partage des compositions par le quatuor.