De temps à autre, il est utile de prendre son courage à deux mains et d'affronter l'ennemi. On ne peut pas dire que Coeur De Pirate ait jusqu'à présent occupé une place privilégiée dans mon coeur. Mais allez savoir pourquoi, j'ai voulu essayer son dernier album en date, pour voir ce que "ça donnait", comme on dit si bien, sur l'exercice périlleux d'un album entier. Oh certes, on pourra me rétorquer que c'est sûrement la belle pochette qui a attiré le chaland innocent que je fus, la demoiselle étant ravissante de nature. Mais plumage point ne camoufle ramage. Donc, j'entrevis les yeux du Malin et la vallée de la mort je traversas (NDLR : L'AFP vient de signaler qu'une explosion thermonucléaire avait eu lieu Quai Conti, ce serait pas toi par hasard ?)

Donc lorsque l'on découvre un album entier de Dame Béatrice, la première chose que l'on remarque et avec laquelle il va falloir manœuvrer, c'est sa voix. Enfantine, piquante, très nasale et... autotunée. A un point pas immonde, mais suffisamment irritant, d'autant que, Nouvelle Chanson Française oblige, ladite voix est mixée très en avant. Le disque étant en prime pas mal brickwallé (sûrement pour faire passer la fragilité des sentiments), on a sur la durée une sensation certaine d'agression auditive.

Mélodiquement, on ne peut pas dire que ce soit toujours paresseux ou facile, mais il y a une certaine tendance à la redite : ça passe quand les arrangements sont vraiment soignés, comme sur la ballade d'intro ou sur "Dans Les Bras de l'Autre" avec son refrain repris au piano synthétique dans la grande tradition de la variété des années 80. Mais ça peut casser sur les fautes de goût, comme "Dans La Nuit" déjà bien trop répétitif et qui se permet un featuring rap totalement inutile et ennuyeux (en prime de rappeler un peu DEBUT DE SOIREE, ce qui n'est pas exactement un compliment). Ou encore "Je Veux Rentrer" qui fait tout pour mettre l'auditeur dans sa poche mais se voit mis à mal par un rythme tape-nerfs trop entendu ces dernières années. Bref une bonne moitié d'album qui, si elle n'est pas foncièrement désagréable, déçoit.

Mais à ma grande surprise, Coeur De Pirate n'est pas qu'une énième sussureuse de peines de coeurs "qui a un univers". Outre que sa fine équipe s'amuse pas mal avec les grosses programmations synthpop, assez rares mais bien dans le ton, la jolie pianiste arrive également, parfois, au gré de l'inspiration, à frôler l'épique. On sent lesdits refrains ("Prémonition", "Combustible"...) soigneusement composés. Et comme la prod est aux petits soins, ça passe, sans compter les écarts au style qui, sans être extraordinaires, font le job : tango plein de mal-être sur "Malade", new soul Amy WINEHOUSEsque sur "Amour d'Un Soir", pop à la SUPERBUS sur "Carte Blanche".

Le meilleur résumé serait en fait l'ultime titre : c'est assez larmoyant et minimaliste, ça devrait m'horripiler, mais non. Parce qu'au-delà de la certaine facilité de style (allumez n'importe quelle radio, vous tomberez sur un ersatz), il y a un certain savoir-faire. Pour un premier contact avec la musique de la Québecquoise, il n'y a pas de révélation, mais un peu de soulagement : tout n'est pas perdu dans le monde pourtant fort nécrosé de la nouvelle variété. Le seul vrai souci, à part donc la voix, c'est cette impression mitigée de n'avoir pas vraiment écouté un album, une fois le disque terminé. Difficile de conseiller ce CD, mais en tous cas, impossible de le mettre à l'index : c'est déjà un bel exploit en soi.

Note finale : 2,5/5 arrondi au supérieur pour les petites effluves synthétiques