Elle a été avec sa consoeur Kate BUSH une des premières femmes à tenter dans les années 80 le (alors périlleux) défi de fabriquer un home studio et devenir indépendante. Et pourtant, c'est avec un certain étonnement que l'on redécouvre, 40 ans après ses débuts, ce petit bout de femme une fois de plus assise seule dans son appartement, à bidouiller ses instruments. Après sa trilogie blues / rock / jazz et quelques années de silence, on aurait pensé que Joan aurait plutôt essayé de retrouver des musiciens pour se remettre dans le bain. Ou alors jouer la carte du minimalisme facile.

Et pourtant non, sur la moitié des titres, on est assez heureux d'entendre un bon groupe de pop rock jouer avec cohésion et chaleur par-dessus la guitare et voix d'ARMATRADING, sauf bien sûr que... ce n'est pas un groupe, mais elle seule. Sa science du home studio et des arrangements n'est plus à démontrer, et le résultat est à l'avenant : pas toujours parfait, mais souvent frais. Surtout que le disque réserve une surprise : au troisième titre, par-dessus une chanson personnelle et assez digne de sa période début 80's, surgit son petit musicien additionnel, le plaisir à la Cadbury qu'elle s'est offert ce coup-ci : un orchestre !

Et celui-ci apporte le petit plus de chaleur humaine qui parfois manque (voir par exemple "Cover My Eyes" qui n'arrive pas à décoller et pourtant se montre techniquement irréprochable). Un orchestre simple, qui n'est pas omniprésent, juste quand il faut - et notamment sur le point d'orgue du disque, le morceau-titre, splendide et paradoxalement le plus dépouillé de tous. La chaleur aussi se propage à travers quelques passages plus purement pop où l'on retrouve la malice de Secret Secrets ; "Any Place" (quels arrangements au taquet !), "This Is Not That".

Un disque franchement mignon donc, avec ses pauses bienvenues ("Always in my Dreams" qui rappelle l'adorable "Loved By You") et un bon flow, mais qui cependant souffre d'un petit défaut. Joan ne va jamais assez loin, alors qu'à tous les niveaux, elle pourrait largement se le permettre. Regardez-moi ce dernier titre : la prod est presque garage (ce qui augmente la sensation d'un vrai groupe), le morceau se construit petit à petit et l'arrivée de l'orchestre magnifie le tout : c'est beau. Mais ça devrait être très beau. Ca devrait exploser dans tous les sens. Franchement, c'est plus un détail qu'un vrai regret, car les admirateurs de belle pop rock racée devraient être ravis d'entendre un tel disque en 2018.

Note finale : 3,5/5, augmentée pour la ténacité home studio-esque dont elle fait preuve depuis 1986.