« Light Of Your Shadow » reste l’unique disque de MUTZIE, sobriquet du guitariste Eric Levenburg. Originaire du Michigan, le groupe connaît un semblant de popularité entre 1970 et 1971, ouvrant notamment pour FUNKADELIC, ALICE COOPER, THE STOGGES, MC5, VELVET UNDERGROUND, Johnny WINTER et Bob SEGER, grand trublion de la Motor City.
Constitué de la fratrie Levenburg avec, outre Eric « Mutzie », Barry à la basse et Andee aux claviers, du batteur Marc White et du saxophoniste flûtiste Nick Palise, la formation enregistre son album suite à une démo envoyée au label californien Sussex Records. Dans un premier temps, la petite maison de disque alors distribuée par Buddah Records décide d’enregistrer un E.P. 4 titres, objet servant de démarchage auprès des organisateurs américains. Label sans gros moyens, Sussex Records vivote grâce au chanteur de Soul Bill Withers et ne peut donc offrir une promotion à son nouveau poulain.

Le disque enregistré avec quelques invités et amis est placé sous la houlette du jeune producteur Theo Coff. En fait, derrière ce pseudonyme se cachent le guitariste Dennis Coffey, un ancien de la Motown, et le producteur Mike Theodore (déjà aperçu avec Rare Earth et Sixto Rodriguez). Pas question d’envoyer le groupe à perpette, Sussex décide de placer la formation au Tera Shirma Studios, un studio de Detroit qui enregistre entre autres pour Sussex mais aussi la Motown, Invictus, un endroit où sont déjà passés MC5, FUNKADELIC, Mitch Ryder ou Frijid Pink

MUTZIE nous offre ici six brulots personnels et une reprise. En ouverture, l’énergique « Highway » tient autant du Rock Psy que de l’Acid Blues avec une basse aussi ronde que groovy, de bons nappages d’orgue et une guitare souvent flamboyante, même si parfois intempestive. On sait dès le départ qui est le patron de la formation. Si « The Light Of Your Shadow » donne son nom au disque, le morceau avoisinant presque les 10 minutes se divise en deux concepts étourdissants avec un début et une fin. L’orgue tisse une toile telle une araignée dans laquelle vient s’engouffrer une étrange flûte prenant les rennes d’une section cuivre. La guitare imprime une atmosphère biblique se transformant par moments en une plongée ésotérique un brin Jazzy gorgée de L.S.D.

La face B débute avec une thématique bien connue dans le milieu de la musique, la cocaïne. « Cocaïne Blues » a connu plusieurs homonymes: du bluegrass rural de T.J. « Red » Arnall repris par Clarence Ashley sous le titre « Little Sadie », au Country Blues Gospel du Révérend Gary Davis en passant par le Blues de Luke Jordan. Eric Levenburg en délivre un nouveau modèle nous immergeant en plein Blues West Coast. Encore une fois, l’orgue vient renforcer cette trame psychédélique dans laquelle le chant se montre parfois aussi déclamatoire que désespéré. Si les carillons d’une comtoise introduisent « Jessie Fly », les Lavenburg délivrent là un modèle de Rock Psyché 70’s entrecoupé de brefs passages de flûte, d’une basse toujours aussi rondouillarde alors que les baguettes endossent pour la première fois le premier rôle. Le morceau se termine bizarrement sur des logorrhées de terreur agrémentées par le bruit d’une boîte à musique.
Le ton baisse d’un cran avec « Because Of You », un mid tempo psyché peu captivant. Même impression avec « The Game », soit deux titres ne dépassant pas les 2 minutes 40. Ce patchwork titubant entre Rock, Acid et Heavy Blues se termine sur le vitaminé « Daily Cycle » avec une guitare agressive à l’image du chant, la section cuivre tempérant les ardeurs du leader.

A l’image de nombreux disques de cette période, « The Light Of Your Shadow » serait certainement tombé dans l’oubli le plus total si Internet n’existait pas. Contrairement à certaines chroniques qui semblent crier là au génie, sous prétexte que le groupe est demeuré inconnu et n’a rien enregistré depuis, cette lumière du côté obscur ne vaut pas plus qu’un bon 3, les trois dernières pistes étant nettement plus faiblardes. "Mutzie" Levenburg s'avère bien meilleur guitariste que chanteur. Pour les amateurs de Rock Psy, le vinyle neuf et scellé se négocie aux environs des 50 €. Le disque a été réédité par trois fois au format CD. Le label Axis en propose une excellente édition remasterisée. Sur sa pochette dorsale, Axis expliquait que n’ayant pu trouver les propriétaires des masters, un compte bloqué avait été ouvert en faveur des ayants droits. Curieuse démarche quand on sait que Sussex est tombé sans aucun doute dans un catalogue et que Dennis Coffey est toujours en activité comme guitariste, au même titre que Eric « Mutzie » Levenburg qui semble jouer sporadiquement dans le Michigan.