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1984 Got My Mojo Working

Ann COLE - Got My Mojo Working (1984)
Par LE KINGBEE le 22 Septembre 2018          Consultée 1083 fois

Si vous cherchez un album d’Ann COLE, vous risquez d’attendre longtemps, il n’y en a pas. En 1984, l’excellent label anglais Krazy Kat lui consacrait enfin une compilation de 14 titres, un disque intitulé avec justesse « Got My Mojo Working », son plus grand succès.

Revenons brièvement sur le parcours de cette chanteuse exceptionnelle à ranger dans le tiroir des seconds couteaux. Cynthia Coleman naît en janvier 1934 à Newark, dans la banlieue de New-York. Elle plonge très tôt dans l’univers de la musique religieuse, son père Wallace et trois de ses oncles formant les Coleman Brothers. En fait, le paternel et les trois oncles n’ont rien inventé, ils ont juste repris le flambeau de leur père et oncles, c’est dire si la musique est génétiquement présente chez eux.
La troupe familiale connaît un succès à partir de 1943, enregistrant entre autres pour Regal, Manor, Decca. Les Coleman vont même fonder leur propre label, on est jamais mieux servi que par soi-même. Coleman Records sera racheté en 1960 par la firme Savoy.

Lander Coleman, l’un des oncles de la gamine, se rend vite compte des aptitudes de sa nièce pour le chant, les chiens ne font pas des chats. La jeune Cynthia fait ses gammes sur les bancs de sa paroisse jusqu’à ce que « tonton » l’intègre peu à peu dans l’ensemble familial. En 1949, Cynthia vole de ses propres ailes et fonde The Colemanaires, un petit groupe de Gospel se produisant dans les collèges et les fêtes paroissiales.
Le patriarche de la famille Coleman, un révérend rigoureux, refuse que sa petite fille se produise dans les bars ou les clubs. Eh oui, on ne mélange pas les serviettes et les torchons, et encore moins la musique de Dieu et celle de Satan. En 1953, les Colemanaires signent un contrat avec Timely Records, enregistrant un premier 78 tours qui fait un flop. L’année suivante, le petit label récidive avec trois disques sous le nom de l’ensemble et quatre sous le nom d’Ann Cole, le nom de scène de Cynthia. Faute de promotion, les disques ne se vendent pas et Ann COLE décide d’arrêter les frais.

Si Ann COLE est toujours soutenue par son oncle Lander, un autre homme est persuadé du talent de la jeune chanteuse : Sol Rabinowitz vient de fonder le label Baton Records et recherche de nouveaux talents. Rabinowitz se souvient de la voix de la chanteuse qu’il a entendue lors d’un concert mais ne se rappelle même plus son nom. Il faudra un sacré concours de circonstance pour que le patron de Baton Records et la chanteuse se rencontrent, en fait ils ont un ami en commun. Echaudée par son expérience chez Timely, Ann veut un contrat longue durée et signe son embauche aussitôt après sa visite des studios.
En décembre 1955, Ann met en boîte pour Baton ses deux premiers titres « Darling Don’t Hurt Me » et « Are You Satisfied », titre de l’acteur chanteur Sheb Wooley, l’auteur du célèbre cri de Wilhem ⃰.
L’original gravé par Wooley, alors au sommet de sa gloire, ne monte qu’à la 95ème place des charts, une déception pour la MGM qui décide de faire enregistrer la chanson par Connie Francis, sans plus de réussite. En fin d’année, à peine gravée, la voix rageuse d’Ann COLE, chanteuse d’un micro label, contribue à faire grimper le titre dans le Top Ten.
Un an plus tard toujours en novembre, Ann commet son second méfait avec « In The Chapel », une ballade qui atteint la 14ème place des charts R&B, une aubaine pour le label Baton dont les disques passent désormais dans l’émission radio d’Alan Freed. Mais le meilleur était à venir, Ann COLE allait plaçait son nom dans l’industrie grâce à un titre : « Got My Mojo Working » (But I Just Won’t Work On You) », une composition de Red Foster. Derrière ce nom, se cache l’acteur Preston Foster (« Le Quatrième Homme », « Je Suis un Evadé », « Les Tuniques Ecarlates »). Il s’est essayé avec sa femme, l’actrice Sheila Darcy, à la chansonnette, mais est surtout proche de la famille Coleman dont il admire le répertoire depuis toujours.
Lors d’un concert, Ann COLE interprète son « Got My Mojo Working » devant une salle à genoux. Dans les coulisses, Muddy WATERS se prépare à entrer en action, Ann servant de première partie. James COTTON alors harmoniciste dans l’orchestre de Muddy Waters, suggère à son leader d’enregistrer le morceau. Il y a matière selon lui à faire un carton. Notre guitariste, icône du Blues, prend quelques notes, enregistre sa chanson pour Chess à peine rentré à Chicago, en n’oubliant pas de se l’accréditer.
La version d’Ann COLE monte à la 3ème place des classements, la version de Muddy WATERS dont les paroles diffèrent, l’emprunteur ayant oublié des strophes dans sa hâte, ne grimpe qu’à la 7ème place mais cette pépite devient au fil des années un standard du Chicago Blues.
Preston Foster, désireux que sa protégée touche ses royalties rentre en négociation avec Chess qui propose un accord à l’amiable correct pour les deux parties.

La suite sera moins rose pour la chanteuse : elle poursuit sa carrière chez Baton Records jusqu’en 1958 et enchaîne avec une poignée de singles pour Sir et la MGM. Entre 1960 et 1962, Ann se produit sporadiquement dans le New Jersey et grave un dernier single pour Roulette qui atteint la 21ème place du hit-parade, ne touchant au passage que quelques miettes. Mais à croire qu’il y a parfois une justice sur terre, Morris Levy, patron du label Roulette, connu pour ses accointances avec la Mafia new-yorkaise, est attrapé par la patrouille et condamné en 1988 pour extorsion de fonds.

Quelques semaines après ce dernier single, Ann est victime d’un grave accident de la route qui la laisse fortement handicapée. En 1984, le label Krazy Kat lui consacre une compilation, Ann décède deux ans plus tard, ayant passé les 24 dernières années de sa vie sur un fauteuil roulant.

Cette compilation regroupe onze faces Baton et trois issues du label Sir. On peut se demander pourquoi le compilateur a zappé « No Star Is Lost », « Give Me Love Or Nothing » et « Love Of My Own », trois titres enregistrés pour Baton au profit des trois morceaux Sir, cela nous aurait permis d’avoir toutes les faces Baton sur un même recueil. Arrêtons de jouer aux râleurs et remercions le label anglais, alors concepteur de nombreuses compilations rares.

Influencée par le Gospel, Ann COLE s’est tournée avec succès vers la musique profane. Excellente chanteuse au chant puissant mais gorgé de feeling, Ann COLE semble nager comme un poisson dans l’eau et ce quelle que soit la force des courants.
Le compilateur incorpore d’excellents R&B fifties : « Easy Easy Baby », « Each Day » teinté de Doo-Wop, « I’ve Got A Little Boy » avec passage de sax hurleur, « Brand New House » patiné de Pop ou « You’re Mine » à la coloration exotique. Capable de bifurquer vers la ballade comme en attestent les sucrés « In The Chapel », « My Tearful Heart » ou « Nobody But Me » ⃰ ⃰ avec flûte et timbre parodique à la Nina SIMONE, elle peut aussi se montrer dans son élément dans la musique du Diable : « I’m Waiting For You », le Blues Rockin’« Darling Don’t Hurt Me » avec sax hurleur ou « Are You Satisfied », la guimauve à l’eau de rose du cow-boy Sheb Wooley transformée en vraie pièce de Blues.
Ann COLE savait au besoin booster le rythme, « I’ve Got Nothing Working Now » s’annonce comme un véritable Rock' n' Roll mais c’est bien le dévastateur « Got My Mojo Working » qui mérite la mention avec des paroles très évocatrices : « Got my mojo working but it just won’t work on me – I want to love you so that I don’t what to do – I got my black cat bones all pure and dry – I got my four leaf clover all hanging high … », tout un programme dans lequel une femme implore le pouvoir d’une magie noire afin de combler la déficience sexuelle de son compagnon. Oui c’est bien un dérivé du Viagra (en moins chimique) auquel la chanteuse se rapportait. Devenu un classique du Chicago Blues, le titre sera repris à toutes les sauces (Blues, Rock, Acid, Garage, Country, Hard Rock) mais on aura la faiblesse de préférer certaines versions féminines (Koko Taylor, Katie Webster, Joyce Harris ou Melanie dans une version Folk Psyché bien barrée). Ah bien évidemment le titre n’échappe pas a un massacreur de chez nous, Claude Righi, futur directeur artistique chez Barclay, WEA et Polygram, qui a adapté le morceau sous l’intitulé « Laissez-moi seule » et là, vous avez le choix entre deux solutions : être sourd ou renier votre patrie. Fort heureusement pour le Pays, le groupe toulousain AWEK en propose bien plus tard une version qui honore notre drapeau.
Si le titre «  Got My Mojo Working » mériterait à lui seul un 5, cette compilation⃰ ⃰ ⃰ ne se verra octroyer qu’un 3,5.

⃰ On attribue le cri de Wilhem à Sheb Wooley. Une séance du film « Les Aventures du Capitaine Wyatt » montre un soldat transpercé par une flèche indienne poussant un cri de terreur et de désespoir. Ce cri enregistré sera repris dans près de 200 films.

⃰ ⃰« Nobody But Me », compo de Buddy Myles reprise plus tard par Lou Rawls et Imelda May n’est que l’homonyme des Isley Brothers repris par Human Beinz, et nos DOGS.

⃰ ⃰ ⃰La line-up n’est délivrée qu’à titre informatif. Il n’existe pas d’indications plus précises à ce jour.

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   LE KINGBEE

 
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- Ann Cole (chant)
- Mickey Baker (guitare 1-3-8-11)
- Dave Mcrae (saxophone, orchestre 2-4-6-7-9)
- Sylvester Bradford (basse 1-3-8-11)
- Chris Killer (saxophone 1-3-8-11)
- Cortez Franklin (saxophone 1-3-8-11)
- Andy Williams 'saxophone 1-3-8-11)
- Lucky (saxophone 1-3-8-11)
- Sammy Lowe (orchestre 12)


1. Got My Mojo Working
2. Easy Easy Baby
3. Each Day
4. Are You Satisfied
5. You're Mine
6. My Tearful Heart
7. I'm Waiting For You
8. I've Got Nothing Working Now
9. Darling Dont Hurt Me
10. I've Got A Little Boy
11. In The Chapel
12. Brand New House
13. Nobody But Me
14. That's Enough



             



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