Dans la partie francophone du hip-hop, si nos amis belges se voient percer de plus en plus dans notre pays hexagonal, les Canadiens ont encore du mal à faire leurs preuves. Aucun artiste rap québécois ou canadien n'a réussi à sortir des frontières de son pays en usant de la langue de Molière. LOUD, précédemment actif dans son groupe Loud Lary Ajust qu'il décide de quitter pour voler de ses propres ailes, arrive petit à petit à séduire le public français avec le morceau "56k" qui sera largement consulté sur les plateformes musicales. Si son E.P. New Phone l'a aidé à conquérir son public, c'est avec son premier album Une année record qu'on va découvrir toutes ses capacités.

Le premier élément intéressant chez LOUD, c'est son aisance à mêler français et anglais dans ses textes. En effet, il arrive à choisir les bons mots pour qu'il n'y ait aucun temps mort. La percussion est directe et nos oreilles découvrent une nouvelle manière de conjuguer deux langues tout en restant fluide et incisif. Et les bases vont directement être placées avec un premier morceau "So Far So Good" qui révèle l'intensité que peuvent prendre les textes de notre rappeur, désireux de mettre les choses au clair. La mélodie très agressive ne reflète en rien la morphologie de l'album. Nous sommes surtout dans un titre qui annonce que notre Québécois n'est pas là pour blaguer, qu'il a de nombreuses cartes à jouer et qu'il compte bien nous les dévoiler.

Les dés sont lancés, LOUD n'est pas là pour faire du faux. Il rentre dans le vif avec ce premier morceau et la suite s'avère plus que convaincante. "Nouveau Riches" nous propose une mélodie posée sur laquelle le rappeur nous parle de cette tendance de richesse plutôt inattendue, qu'il convoite probablement avec son entrée dans l'industrie musicale. Sur "Il était moins une", LOUD retourne à un beat très incisif qui ne manque pas de trancher avec une percussion intense, tout cela pour entendre un rappeur nous raconter son adolescence. Pas besoin de refrain, les mots s’enchaînent et on découvre un artiste clairement à l'aise avec l'écriture, pleine de goût et d'intelligence.
A l'opposé, il y a l'une des pièces les plus réussies du projet "TTTTT", titre signifiant These Things they take time, traitant de la patience et du fait de savoir attendre pour mieux apprécier. LOUD choisit une mélodie somptueuse pour accompagner ses paroles véritablement bien écrites. L'ambiance reste similaire sur "Devenir immortel (et puis mourir)" qui se voit accompagnée d'un riff de guitare entêtant. Notre rappeur nous rappelle ici l'envie, parfois inconsciente, que chaque artiste a de devenir immortel grâce à la sortie d'une œuvre. Si ces deux titres sont d'une certaine manière assez nostalgiques dans leurs instrumentations, il n'en est rien pour "Toutes les femmes savent danser", qui comme son titre l'indique se révèle dansant, la mélodie s'emportant sur un refrain calibré pour faire bouger nos corps. "SWG", à la manière du titre introductif, se montre très incisif et l'ambiance n'est pas au partage ni à la discussion : LOUD qui compte bien mettre les choses au clair se montre persuasif. L'apparition de son pote Larry KIDD est appréciable, on le retrouve plus tard sur "On My Life" complété de 20SOME, morceau purement trap qui n'est pas la plus grande réussite de l'album mais qui se voit mis en avant par un refrain expressif et énergique.

L'album est convaincant également par-delà un "Hell What a view" grandiose et imposant, et un "Une Année Record" dont l'aspect épique est maîtrisé grâce à une mélodie truffée de surprises. En somme, LOUD réussit très largement son pari avec ce premier long format. Il nous emmène dans un voyage que l'on apprécie tout le long. C'est réellement un très bon album qui nous prouve que le rap québécois a de nombreux atouts à revendiquer. On attend impatiemment la suite.