Tout le monde connaît Daryl HALL ou presque : ce beau blond est en effet le chanteur de HALL & OATES, fameux duo étasunien à peu près aussi vieux que les SPARKS, pour situer la chose, et qui a eu son lot de tubes, notamment dans les années 80 ("Maneater", "Out of Touch", etc...). Mais Daryl HALL, c'est aussi un musicien qui a eu à un moment donné de sa carrière envie de se frayer un petit chemin en solo, histoire de faire des choses impensables avec son compagnon de (très) longue date. Ainsi, en 1977, il n'hésite pas à aller travailler avec ni plus ni moins que Robert FRIPP qui revient alors sérieusement dans le monde musical après une pause de 3 ans ayant suivi la sortie de Red, censé être l'ultime album de KING CRIMSON – mais on connaît la suite.

Sorti en 1980 (on y reviendra plus tard), Sacred Songs est donc le premier album solo de Daryl HALL, et produit par Robert FRIPP. Et on va se fâcher tout de suite avec les fans de Pete Gab', mais le guitariste le plus expansif du monde (HAHAHA) a mieux négocié le virage de la pop ici que sur Scratch (1978). Ce qui paraît logique, étant donné que c'est avant tout l'oeuvre d'un expert de la pop doublé d'un compositeur qui s'y connaît et ne se contente pas d'être le « beau gosse qui chante » dans son groupe d'origine. De manière générale, la musique jouée est de la belle pop US, assez dynamique dans l'ensemble, et faisant la part belle aux arrangements soignés. Ce qui est au moins aussi important que la composition, si ce n'est plus, c'est le chant de HALL. Et là, on comprend FRIPP quand il parle en bien de lui car il arrive à insuffler la bonne émotion au bon moment sur la majeure partie des chansons, sans jamais tomber à côté. Un atout indéniable qui ne fait qu'élever des compositions au fort potentiel.

Les chansons, parlons-en un peu en détail. Elles permettent de voir Hall aussi bien à l'aise sur des formats pop canoniques ("Sacred Songs", "Something in 4/4") que sur des compositions plus longues et parfois plus ambitieuses ("Babs in Babs", "Survive"). Mais ce qui frappe aussi, c'est que l'ensemble se trouve être homogène, tout en étant fragmenté en 10 pièces ayant chacune sa personnalité. Ou presque... en effet, "Urban Landscape" est un solo de Frippertronics qui détone, et "NYCNY" est une cavalcade aux frontières du punk et du hard rock où Daryl HALL s'égosille [1]. En dehors de ces dernières, on peut apprécier "Babs in Babs", long et pas trop complexe mais osant placer des Frippertronics au milieu de ses 7 minutes pour renouveler son propos, ou bien la ballade "Why Was It So Easy", touchante sans faire des caisses. "Don't Leave Me Alone With Her" est plus dynamique et intéressante à écouter, mais le coda n'était peut-être pas nécessaire. Quant à la chanson-titre, elle ouvre bien les hostilités mais reste majoritairement utilitaire ici. Ce sont quand même de bonnes chansons, au minimum.

Sacred Songs est donc un bon album, ce que n'ont pas cru les pontes de RCA. En effet, l'album devait sortir en 1977, mais pour d'obscures raisons, il a été décidé qu'il ne serait pas un succès et qu'il ternirait la carrière commerciale de Daryl HALL. Fort heureusement, malgré un retard de 3 ans, les faits ont dit le contraire, Sacred Songs est un bon album ayant joui d'une petite réussite, et méritée qui plus est. Cet album n'a pas changé la face de la pop, mais pour 40 minutes de plaisir, on pourrait presque se dire qu'il est surqualifié et qu'on nage dans les eaux de la valeur sûre.

Note réelle : 3,5/5

PS : Dans sa réédition CD, ont été rajoutées "You Burn me up I'm a Cigarette" et "North Star", les deux chansons d'Exposure que HALL a pu interpréter sans être ennuyé par sa maison de disques – cf. chronique d'Exposure pour plus de détails


[1] : on préfère la version avec Peter Hammill et Terre Roche, nommée autrement, sur Exposure