Même dans les situations les plus extrêmes ou tendues, il ne faut jamais perdre espoir. Il faut toujours croire qu'il y a là, quelque part, un quelque chose, aussi petit soit-il, qui fera dire que non, tout n'est pas foutu. Cela vaut pour la musique, et en particulier en France. Le nombre d'horreurs musicales, d'oeuvres dont la promotion est inversement proportionnelle au talent présent, est particulièrement élevé, pour ne pas dire critique, et ce depuis des années. Et pourtant, un minimum d'effort, que ce soit de la part du public ou même des maisons de disques, permet d'accéder à des albums qui prouvent par a plus b que non, la musique n'est pas morte. Encore que quelques fois, ça dérape, en témoigne un certain phénomène belge en 2013.
Pour cette année 2014 arrive CHRISTINE AND THE QUEENS. Si l'impact populaire et médiatique risque fort, très fort, de ne pas être similaire, celle connue à l'administration comme étant Héloïse Létissier possède toutes les cartes en main pour marquer les esprits par son talent.

Depuis quelques années, Christine faisait son chemin de manière plutôt tranquille. Alternant les premières parties d'artistes notables et les E.P, la chanteuse nantaise a eu le temps de créer un univers musical des plus intéressants, et s'inspirer aussi bien de travestis qu'elle a rencontrés que de certaines références musicales (Michael Jackson, Lou Reed...). En résultent des chansons dansantes mais aux textes forts et sensibles, rassemblées sur un premier album nommé Chaleur Humaine.

Vouloir tergiverser pendant des lustres ne sert à rien : Chaleur Humaine est une merveille. Cela faisait bien longtemps qu'une alchimie si réussie n'avait pas débarqué, et encore moins vers les sphères du mainstream. Loin du salmigondis excessivement prétentieux comme trop de pseudo-poètes aiment à faire, les paroles des 11 morceaux de l'album mêlant habilement le français et l'anglais, trahissent une écriture intelligente et émotive qui sait créer du lyrisme et du sens sans se vautrer dans les travers que la littérature de Molière semble imposer. Mais de plus, ces paroles sont soutenues par une musique électro-pop et des arrangements de cordes à leur hauteur. Concrètement, c'est pour cela que des chansons comme "Christine", "Chaleur Humaine" ou encore "Nuit 17 à 52" n'auront pas démérité de marquer les esprits si elles y arrivent. Il est également possible de parler de l'urgent désespoir de "Ugly-Pretty", ou encore ce manifeste redoutable qu'est "Half Ladies". Enfin, si elle semble hors-sujet par rapport au reste, la reprise de "Paradis Perdus" est réussie. Pour aller plus loin, on pourrait même dire qu'elle enterre les arrangements originaux de CHRISTOPHE et met mieux en valeur le texte de Jean-Michel JARRE.

Chaleur Humaine n'a peut-être pas la capacité de faire totalement l'unanimité (en dehors du sempiternel « les goûts et les couleurs ») : "Science Fiction" déploie une musique légère un peu futile, et quelques arrangements ne sont pas optimaux, notamment vers la fin de l'album. Tout de même, CHRISTINE AND THE QUEENS a frappé fort, mais surtout a frappé juste, et s'impose d'emblée comme une artiste à suivre sans conditions. Un aussi grand talent ne peut pas être ignoré, et il ne reste plus qu'à espérer une suite encore meilleure.

La musique française is not dead, bonne nouvelle !