Au petit jeu de savoir si POETS OF THE FALL est un groupe de metal melodique déguisé en pop band, ou l'inverse, on a abandonné la partie depuis longtemps. Mais il est vrai que les éléments plus graisseux ou techniques étaient déjà quasi-absents de l'album précédent. Ultraviolet doit donc être pris comme ce qu'il est, à savoir un bon petit disque de pop-rock musclée, et pas comme ce qu'il pourrait passer. Mais, vous direz-vous à raison, le terme pop et surtout rock peut varier selon les personnes et leurs goûts intrinsèques. Pour clarifier la situation, disons que ce disque ne comporte aucun solo (je veux dire solo digne de ce nom) de guitare. Horreur, malheur.

Ce sont donc les claviers, les guitares rythmiques et la voix qui prédomineront, ce dès le titre d'ouverture, un "Dancing on Broken Glass" qui doit beaucoup à U2, mais le bon U2, plein de peps. Quelle ouverture sympathique ! L'originalité est absente, mais le refrain possède une tournure harmonique qui le rend irrésistible. Le son est gros mais assez clair (nonobstant leur brickwall habituel), le chant, ma foi, ce n'est pas encore maintenant qu'on prendra Marko en défaut, et le temps de dire ouf qu'on enquille sur "My Dark Disquiet", un petit bijou : épique, furieux même, avec de grosses violonnades bien dégoûlinantes tout du long, ce titre hautement infectieux se rapproche du meilleur de MUSE.

Avec un duo d'ouverture aussi prenant, on se dit que le faux débat pop / rock / metal concernant nos Finlandais n'a décidément pas lieu d'être. Hélas, le reste du disque ne saura pas se montrer à la hauteur. Aucune chanson ne se montrera vraiment mauvaise, à part peut-être la fade "In a Perfect World", mais on n'arrive plus à décoller réellement. On trouvera de quoi se substanter : le single "False Kings" qui est leur "Condemnation", leur "Never Tear Us Apart" ; "Fool's Paradise" fait incroyablement A-HA, à tous les niveaux, et aurait pu largement figurer sur Foot of the Mountain. "Angel" est le gros single electro pop putassier que l'on n'attendait pas, surtout en fin de disque, mais le virage hyper-commercial est ma foi pas trop mal négocié ; quant à "Standstill", le traitement électrique de la guitare sur une chanson au départ typée "unplugged" les rapproche des RED HOT récents.

Des chansons sympathiques, mais il leur manque une flamme, une étincelle. On trouvera peut-être la réponse dans "The Sweet Escape" : avec son intro très typée années 90 et son milieu intense, il ne lui manque qu'une chose... un solo. On l'a vu plus haut : quasiment aucun titre ne possède ces solos flamboyants qui faisaient la force du groupe. Pourquoi s'en priver avec de telles fines lames 6-cordistes ? Dommage mais en fins limiers, les Poètes savent finir un disque avec panache : "Choir of Cicadas" joue la carte de la ritournelle folklorique (qui sonne un peu Gaëlique) et passe toute seule, nous laissant avec presque le même sourire qu'au départ.

Album donc plombé en son milieu, non pas que ce soit mauvais, mais un peu fade par rapport à ce dont le groupe est capable. On ne pourra cependant pas leur retirer ni une certaine qualité d'écriture, ni la diversité des (sous-)genres. "Un album de plus" pourrait-on dire, sans que cela soit réellement péjoratif : nos Finlandais continuent leur chemin vers la gloire, pas après pas. Et un disque moyen d'un bon groupe, c'est toujours mieux qu'un album correct d'un groupe raté. C'était la minute philosophique du Docteur Baker, merci de rester fidèles à France Inter, et on se retrouve tout de suite après le nouveau single des POETS OF THE FALL. Ah, si seulement...