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1977 La Vieille Que L'On Brûla

RIPAILLE - La Vieille Que L'on Brûla (1977)
Par MARCO STIVELL le 12 Novembre 2018          Consultée 2182 fois

RIPAILLE est, plus qu'un groupe, un concept dont il tire son nom. Pourtant, ce n'est pas faute de constater une camaraderie réelle entre les membres qui le composent, tous ou majoritairement venus de Bretagne. Patrick Droguet, Gérard Duchemann (de Nantes, ancien collègue de Pierre Chérèze le futur guitariste d'HIGELIN), Michel Munoz (de Concarneau, a joué avec Marc Perru, Dan AR BRAZ), Jacky Thomas – ex STIVELL, YS, KERIS - et Patrick Audouin (tous deux Brestois) sont d'anciens musiciens de rhythm'n'blues, de british blues ou de folk-rock celtique, reliés avant le milieu des années 70 grâce à des groupes communs ainsi que l'expérience du bal. Celle-ci devenant de plus en plus formatée et les musiciens possédant un tout autre bagage, Michel Munoz et Gérard Duchemann se rapprochent et constituent un groupe de rock progressif à une époque qui ne favorise guère un tel projet, entre le punk d'un côté et le disco de l'autre.

Duchemann souhaite créer un album concept inspiré de ses lectures sur la sorcellerie (notamment un ouvrage de Claude Seignolle qui s'est spécialisé dans le genre). Le collectif se choisit le nom de RIPAILLE en référence à François Rabelais car, outre le prog, les membres ont un point commun : la bonne chère. Ils font écouter leurs démos à Laurent THIBAULT, ex-co-fondateur de MAGMA, créateur du label Thélème et directeur de production le plus influent au Château d'Hérouville, ainsi qu'à Jacques HIGELIN, rencontré par Jacky Thomas au même Château d'Hérouville durant la période YS (le bassiste participe d'ailleurs aux albums Alertez les Bébés et No Man's Land).
THIBAULT envoie la cassette à Hughes DE COURSON, membre de MALICORNE qui se lance dans la production (label Ballon Noir) ; il vient d'ailleurs de publier Stress pour Benoit Widemann (MAGMA) et un essentiel du folk à la française, Maison Rose d'Emmanuelle PARRENIN. La Vieille Que l'on Brûla, unique album de RIPAILLE, enregistré en Normandie par Bruno Menny (MALICORNE, PARRENIN) et produit par DE COURSON, est distribué par CBS/Columbia.

Autant d'éléments favorables à un album très solide, alors qu'il ne dure que 35 minutes environ ! RIPAILLE privilégie le format court, mais à son degré de musicalité, c'est suffisant pour dire beaucoup de choses. Entouré de folkeux, c'est un rock proche de KING CRIMSON, GENTLE GIANT et GENESIS que l'on entend, un soupçon de GRYPHON aussi (DE COURSON intervient au tournebout en intro de l' "Epilogue"), et en même temps, du fait d'un conte macabre (par Pierre et Ada Remy) pour trame, on ne peut s'empêcher de penser à un ANGE satanique. Le groupe est très théâtral (les musiciens portent des costumes sur scène) et le chanteur principal, Gérard Duchemann, semble être un compromis entre Christian Décamps et Jacques HIGELIN quand il braille, avec une hargne d'ailleurs mieux marquée que chez la plupart des groupes prog anglais.

Les passages très rock et garnis de choeurs délirants succèdent au élans les plus folk et bucoliques ("Le jardin des plaisirs", avec ARP String Ensemble pour tout quatuor à cordes et partition de guitare 12 cordes délicate à souhait), non sans passer par des impro jazz fusion. Le tout avec des ruptures nettes en pagaille, un son à la texture "coton" bien dosée, et, malgré son caractère parfois abrupt, un mixage qui met bien en valeur le son des guitares autant que des claviers. Ceux-ci sont prépondérants et pour notre plus grand plaisir : Audouin et Duchemann se les partagent, avec un penchant pour les effets sifflants ou kitsch (trompette-synthé, molette modulaire à gogo) que l'on aime tant. Quelques bruitages, mer, vent etc ainsi que des effets médiévaux sont à ajouter, le but étant de restituer une ambiance rurale et ensorcelée avec les moyens des années 70.

L'histoire est celle d'un enfant de la Lune qui est bien loin de l'astre-guide que l'on connait, ici décrite comme "la plus perfide des mères". Elle l'abandonne sur Terre, il est recueilli dans un village du littoral par une vieille femme qui vit seule et l'élève. Il tombe amoureux d'une fille voisine avec qui il joue, mais son instinct maléfique refait surface, et la fille est retrouvée morte un jour. Découvrant son pouvoir de séduction, il se tourne vers la veuve du châtelain Nicolas Kremer et entraîne une sacrée pagaille. La vieille femme seule qui a élevé le garçon se trouve accusée de sorcellerie par la populace, à cause du meurtre de la voisine jamais élucidé. Elle est brûlée sous les yeux d'une Lune satisfaite, dans son penchant pour le Mal, "puits sans fond", sans "limite au plaisir de le répandre autour de soi".

Là où une bonne part des concepts-albums se perd vite en circonvolucions scénaristiques, RIPAILLE fait dans la concision, réservant les textes, mis à part une ou deux narrations, aux sentiments du fils de la Lune et aux villageois qui font bien monter le ton. Duchemann et Audouin qui (co-)écrivent la plupart des morceaux, constituent une forte chorale avec Thomas et Emmanuelle PARRENIN, autre invitée de marque ; le résultat est particulièrement impressionnant sur "Le Sabbat des sorcières", morceau rock héroïque et damné qui évolue en une marche infernale à la fin. Les ruptures funk du titre "Les loups", la rage punk de "Satané jardin", les splendides arpèges de Patrick Droguet à l'électrique sur "La veuve de Nicolas Kremer" renforcent une palette riche, un climat âpre séduisant et, même si ça défile, le fil conducteur de qualité n'est jamais rompu, grâce à des musiciens de talent.

Ceux-ci se retrouvent en 1979-80 au Château d'Hérouville pour l'enregistrement d'un deuxième album censé s'appeler Ah, Faut Profiter Tant Qu'on Peut !, mais les difficultés financières du label Ballon Noir empêchent l'aboutissement du projet. Michel Munoz, pour des raisons de santé, est remplacé par Michel Santangeli, ex-CHATS SAUVAGES, STIVELL, Iggy POP "The Idiot", compagnon de Jacky Thomas dans YS/KERIS ainsi qu'auprès d'HIGELIN et de Dan AR BRAZ. Concernant la prestation de ce batteur génial avec RIPAILLE, il ne reste que trois morceaux ajoutés au CD édité par Musea, les meilleurs parmi ceux conservés parait-il, qui usent davantage d'un propos grivois et réaliste, pour ne pas dire politique, par des musiciens qui ne sont certainement pas de droite ! "Les chameaux", aux parties instrumentales les plus longues et inspirées, reste le meilleur d'entre eux.

RIPAILLE, en voie de séparation et même en partageant des scènes avec HIGELIN, AR BRAZ ou le chanteur breton Manu LANHUEL, est de moins en moins présent sur scène. Gérard Duchemann ne l'est déjà plus guère dans la confection du deuxième album, car il traduit sa passion pour la cuisine en la faisant lui-même ; avec les années, il est devenu chef d'une grande entreprise de "catering"/restauration pour compagnies de théâtre, TV, cinéma... Comme Michel Munoz qui est resté à Concarneau, Patrick Droguet a été ingénieur du son, d'abord au Château d'Hérouville (pour GWENDAL, THIEFAINE, Charlélie COUTURE...) puis dans son studio à Nantes (Dominique A, KATERINE...). Santangeli et Thomas ont continué de jouer pour HIGELIN, Pierre VASSILIU. Thomas et Audouin ont co-fondé un studio à Brest où ils ont enregistré/joué pour Gilles SERVAT, TRISKELL...

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   MARCO STIVELL

 
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- Gérard Duchemann (chant, synthétiseurs, épinette)
- Michel Munoz (batterie, rototoms, cymbales, crotales)
- Patrick Audouin (pianos, synthétiseurs, guitare acoustique)
- Jacky Thomas (basse, synthétieurs arp, vibraphone, chant)
- Patrick Droguet (guitares, triangle)
- Hugues De Courson (rototoms, tournebout)
- Robert Le Gall (violon)
- Alain Hergouarch (tambourin)
- Emmanuelle Parrenin (triangle, choeurs)
- Jo Courtin (accordéon)
- Pierre Holassian (saxophone alto)
- Bruno Menny (effets sonores)
- Michel Santangeli (batterie sur titres bonus)


1. Fils De La Lune
2. Le Jardin Des Plaisirs
3. Il N'y A Plus Rien
4. Satané Jardin
5. La Veuve De Nicolas Kremer
6. Le Sabbat Des Sorcières
7. Les Loups
8. La Vielle Que L'on Brûla
9. Epilogue
- titres Bonus De L'édition Cd
10. Ah ! Faut Profiter
11. Gratis Et En Plein Air
12. Les Chameaux



             



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