Le rap français a encore de beaux jours devant lui. Ce n'est pas SCH qui va me faire mentir. Julien Schwarzer est installé bien confortablement dans le rap depuis 2015, époque où sa mixtape A7 fait l'effet d'une bombe dans un paysage désireux de nouveautés. Après quelques balbutiements via des vidéos de freestyles sur Youtube et clips vidéo qui prouvaient que le rappeur voulait prendre le taureau par les cornes, le succès pointe son nez. Quelques années et albums plus tard, il décide de sortir son 3ème projet enregistré en studio, JVLIVS. Premier album qui sort dans son propre label tout neuf, Maison Baron Rouge, le rappeur ayant décidé de tourner le dos aux grosses industries pour se concentrer sur ses propres aspirations.

JVLIVS est une des plus grosses surprises de 2018. Voilà, c'est dit, pas besoin de ménager le suspense. Le concept est sombre, SCH va nous emmener dans son imagination de ce que peut être la mafia, un peu à l'image de Gomorra ou Les Sopranos à une autre échelle. Nous voilà donc partis dans un album concept où SCH va parfois nous romancer ce qu'il imagine de la vie, et parfois dire la vérité, à nous de faire la différence entre un storytelling bien mené et le vécu d'un bonhomme parti de rien. Un album donc à la fois très introspectif et très imaginatif, pour un rendu centré autour d'histoires de mafieux. Un seul featuring dans cet album très personnel. Pour ce qui est de la production, elle est confiée en majeure partie à Katrina Squad qui s'en sort à la perfection tout le long du projet.

Sur le papier, cette histoire parait solide. Nos attentes vont se confirmer à l'écoute de l'album. Trois interludes tout le long du projet seront présents pour nourrir le storytelling sur la mafia, menés par José Luccioni, bien connu pour être la voix française d'un certain Al Pacino. Cette idée d'inviter un tel personnage à participer au projet, SCH l'a avoué, elle est à l'origine pensée par son ami rappeur FURAX qui pressentait une évidence dans les thèmes et l'utilisation de cette voix mythique.

Une fois l'album lancé, nous n'avons plus qu'à nous laisser transporter dans l'aventure qu'il représente. SCH nous amène tous les thèmes de la meilleure manière qu'il puisse être, que ce soit pour parler de la relation avec son père sur le single "Otto", pour envoyer un message à ses détracteurs sur "VNTM" ou pour parler des relations qu'il peut avoir avec la société et la gente féminine sur "Mort de rire". La diversité des instrumentations choisies est telle que l'on peut passer d'une trap agressive et très sombre sur l'excellent "Pharmacie" à une ambiance inspirée de la bande originale de Narcos sur "Tokarev". Le rappeur a des choses à dire, et il le fait de la façon la plus adéquate possible sur ce projet qui est le plus abouti de sa discographie. La qualité d'écriture se fait ressentir très rapidement ("Pharmacie", "Bénéfice"), tandis que l'interprétation n'est pas en reste elle non plus ("Ciel rouge", "Ivresse et Hennessy").
Sur "Facile", le rappeur nous prouve son affection pour la mode, tandis que sur "Prêt à partir" il invite NINHO pour faire une collaboration d'une qualité d'interprétation dantesque, les deux rappeurs se complètent à la perfection. L'intensité redescend quelque peu avec des titres comme "J't'en prie" et "Incompris" qui s'avèrent être très sombre et lent, tandis que "Le code" nous amène une mélodie et des paroles pleines de nostalgie, à travers lesquelles SCH jette un coup d'œil dans le rétroviseur.

JVLIUV, Tome 1 : Absolu est le premier tome d'une trilogie. SCH débute très fort le nouveau chapitre de sa vie avec un album qui est une réussite totale. Toujours fidèle à son style très sombre, son utilisation de l'autotune maîtrisée, notre rappeur convainc par les thèmes abordés, la qualité d'écriture et une interprétation bluffante. Nul doute que cet album figurera dans le top des sorties rap de l'année 2018. Et pour la question de sa pérennisation dans le temps, nul doute que "Bénéfice", "Otto" ou "Pharmacie" vont facilement trouver leur place sur le long terme. L'album en entier, finalement.