Je vous avais déjà raconté que l'Islande était un pays magique ? Un endroit où règnent les Trolls et les Elfes, où les pierres deviennent des cathédrales et les cascades une manifestation divine ? Alors artistiquement, vous pensez si cette terre légendaire est le berceau de bien des vocations. Et si on enlève BJORK, les SUGARCUBES, OF MONSTERS AND MEN, SKALMOLD, AGENT FRESCO, Emiliana TORRINI ou SOLSTAFIR pour ne parler que des plus gros noms de la scène Internationale, il existe une pléthore d'artistes inconnus dans nos contrées, tout le jeu consistant à trouver les plus originaux, les plus déjantés, les plus « absolument » frappadingues. Parmi eux, je souhaite attirer votre attention sur un animal unique en son genre : Le MUGISON. Ne me demandez pas de décrire sa musique, c'est chose impossible pour le moment, mais cet artiste possède une personnalité énormissime, contentez-vous d'aimer la musique pour savoir que vous pouvez écouter son œuvre.

MUGISON est né à Reykjavik en 76. Son père, pêcheur professionnel, emmène sa famille alors qu'il est tout petit dans les îles du cap vert pour former les pêcheurs du coin et les diriger vers l'auto-subsistance. Le jeune Örn Elias passe donc une enfance idyllique – sans école - à courir les plages et la campagne, avec des animaux apprivoisés. Il revient à Reykjavik à l'age de 10 ans, débute l'école et le sport, prend l'habitude de passer du temps dans des endroits retirés – l'île de Hrisey, dans le grand Nord -, entre en pension où il commence à découvrir la musique. C'est sa rencontre à 14 ans avec le poète Kjartan Gretarsson qui va l'ouvrir à toutes sortes d'arts : musique, littérature, poésie, tout y passe. L'homme de lettres "forme" le jeune homme à "s'ouvrir" chaque semaine davantage. Il intègre une école d'art à Reykjavik, puis à Londres et dévore tout ce qu'il peut avec boulimie, prenant très vite conscience de l'importance de la MAO.

Ouvrez bien vos oreilles, les gars ! Pour démarcher une maison de disques, le mec a certes envoyé des CD, mais aussi quelques petites plaisanteries de bon goût parmi lesquelles péter dans un pot de mayonnaise, le sceller et envoyez le tout à des boss accompagné de la note "si vous aimez l'odeur de ce pet, vous aimerez ma musique". Bon certes, un peu viking comme démarche, mais efficace et nous voici illico chez Twisted Nerve records de Andy Votel à Londres, puis chez Accidental records. Ainsi naît ce premier album Lonely Mountain, au titre évocateur de Tolkien.

On débute avec "Sea Y". Immédiatement, les influences des compatriotes BJORK et TORRINI vont vous sauter à la gueule. C'est trip hop ! Bruitages, ambiances alternatives mais à la cool, voix éthérée, guitare dissonante, claviers psychédéliques. Le mélange semble puissant. "Probably" pourrait de la même manière être un hymne trip hop, avec ses effets de voix distorsionnée. Un beat de synthé pour "Ear", toujours sur un rythme trip hop. C'est doux, calme, presque un câlin, une mélodie BEATLESienne sur le refrain et beaucoup de sensibilité. A l'inverse, MUGISON growle carrément sur "I'm On Fire", avec des percussions à la MASSIVE ATTACK sur une orchestration remarquable et très mélodique. Un mélange détonnant et très original.

Plus contemplatif, "The Night Is Limping" lancine avec ondoyance dans votre esprit, la voix semble endormie, toute sleepy, comme le titre le laisse deviner. Tout ceci est bien grésillant, bien alternatif et plaira à Seijitsu ! Avec "Pet", on entre plus dans le domaine de la pop, même si les influences demeurent. Et c'est ici que l'artiste va se révéler assez génial. L'ambiance est surréaliste, mais le résultat se laisse superbement fredonner. Que lis-je diantre : "One day she'll park The Car" ? Est-ce un titre machiste ? Mais non, les gars, on est en terre de l'égalité des sexes ! Impossible ! C'est juste une compo axée sur les bruitages.

"Poke A Pal" est probablement le titre qui me séduit le plus dans cette première galette. Cette guitare folk tout d'abord, magnifique de velouté et dont l'artiste se sert remarquablement, notamment en live. La sensibilité ressort à nouveau ici avec une vraie force probante et toujours cette capacité à faire naître des émotions dans les conditions les plus simples. Les paysages les plus naturels n'ont pas besoin de mots pour les décrire, les chansons les plus simples non plus. Une superbe chanson qui mérite un détour, je la conseille en bande son la prochaine fois que vous stopperez sur les falaises du Látrabjarg, dans la région du nord-ouest où vit MUGISON.

Ici, tout est fait main, pochette, son, démarche marketing, jusqu'à la vente. Toute la famille basée dans les westfjords y participe. 30 000 exemplaires s'écoulent systématiquement, permettant à ce petit monde de vivre de l'art comme d'autres vont à l'usine ou au bureau. Ca donne clairement envie de faire pareil ! Faites comme moi, découvrez MUGISON et ne le lâchez plus ! Un premier album très réussi, très original, et qui donne envie.